L’art, l’autre mémoire que cultivait Simone Veil

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« Opus 28 C », de Gérard Schneider (1896-1986), tableau issu des lots proposés par Christie’s.

Tout semble avoir été dit et écrit sur Simone Veil (1927-2017), figure-clé de la droite française de l’après-guerre, tout à la fois survivante de la Shoah, icône de la lutte pour le droit à l’avortement et européenne convaincue.

C’est une facette plus intime de cette femme d’exception et de son époux, Antoine, que dévoile la maison de vente aux enchères Christie’s, le 4 décembre, à Paris. Sept ans après le décès de leur mère, ses deux fils, Jean et Pierre-François Veil, ont décidé de se séparer d’une partie de la collection que leurs parents avaient constituée au cours de leur longue vie commune. Lorsque l’on parcourt la soixantaine de lots estimés de 2 millions à 3 millions d’euros se dessine un goût très français, ­classique, pour ne pas dire bourgeois.

Dans son autobiographie, intitulée Une Vie (Stock, 2007), Simone Veil raconte que, dès les années 1970, alors qu’elle était ministre de la santé de Valéry Giscard d’Estaing, elle s’échappait les samedis matin pour visiter les galeries de la rive gauche, en compagnie d’une amie. Elle avait alors ses habitudes chez des personnalités forgées dans l’épreuve, tel Karl Flinker, un fin lettré originaire d’Autriche qui tenait boutique rue de Tournon et dont la mère était morte en déportation. Ou encore Claude Bernard, un dandy d’une folle élégance, le premier marchand français à exposer Francis Bacon, rue des Beaux-Arts.

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A partir des années 1980, Simone Veil noue aussi une grande complicité avec Catherine Thieck. Cette érudite a quitté le Musée d’art moderne de Paris pour se reconvertir dans le commerce de l’art, en reprenant la galerie de France, rue de la Verrerie. Chez elle, Simone Veil retrouve un artiste qui lui est cher, Gilles Aillaud, connu pour ses allégories animales, critiques à la fois de l’univers carcéral et du capitalisme. « Elle avait déjà acheté ses œuvres chez Flinker et était séduite par sa délicatesse visuelle, malgré la violence sous-jacente. Elle avait une relation tendre avec la peinture », ­rapporte Catherine Thieck.

Le marchand de la rue de Seine

En 1987, Simone Veil tombe en arrêt, à la galerie de France, devant un immense paysage de plage à marée basse de Gilles Aillaud. Le format est toutefois bien trop grand pour son appartement de la place Vauban, face au dôme des Invalides. Qu’à cela ne tienne, l’artiste lui peindra une autre version, de plus petite dimension, estimée par Christie’s entre 50 000 et 70 000 euros.

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