L’Arménie franchit un nouveau cap pour s’émanciper de la domination russe. Cette ex-république soviétique du Caucase va progressivement assurer la sécurité de ses frontières avec l’Iran et la Turquie, qui sont gardées exclusivement par des troupes russes depuis plus de trente ans. Un accord annoncé le 8 octobre par le premier ministre, Nikol Pachinian, et le président russe, Vladimir Poutine, prévoit ainsi le retrait, à compter du 1er janvier 2025, des gardes-frontières russes d’un poste de contrôle à la frontière avec l’Iran.
« Les Russes ne vont pas quitter la frontière iranienne pour autant, précise Richard Giragosian, directeur du centre de recherche Regional Studies Center, à Erevan. Seul ce point de contrôle passera aux mains des gardes-frontières arméniens. » L’accord prévoit également que les troupes d’Erevan participeront à la surveillance de la frontière avec la Turquie aux côtés des forces russes, déjà présentes.
Désengagement stratégique pour la Russie
« C’est une étape importante pour l’Arménie, affirme le chercheur. Le pays regagne sa souveraineté et réaffirme son indépendance par rapport à la Russie en prenant progressivement le contrôle de ses frontières pour la première fois depuis l’Union soviétique. » La présence des gardes-frontières russes le long de l’Iran et de la Turquie avait été actée par un accord en 1992, un an après la chute de l’URSS.
Pour la Russie, ce désengagement partiel de la frontière est lui aussi stratégique. « En échange, poursuit Richard Giragosian, Erevan devrait autoriser Moscou à participer aux opérations pour établir des routes et chemins de fer visant à relier l’Azerbaïdjan au Nakhitchevan », exclave azerbaïdjanaise située au sud-ouest de l’Arménie à laquelle Bakou veut un accès terrestre. Avant l’invasion de l’Ukraine, « la Russie asseyait son pouvoir par la force [dans la région], alors qu’aujourd’hui, c’est par une plus grande connectivité [les liaisons de transport]».
Le 31 juillet, les gardes-frontières russes s’étaient déjà retirés de l’aéroport international Zvartnots, à Erevan, après trente-deux ans de présence. L’Arménie avait informé Moscou que ces unités n’étaient plus nécessaires et que le Service national de sécurité arménien effectuerait les contrôles frontaliers de manière indépendante, sans l’aide des Russes. La Russie, alliée traditionnelle de l’Arménie, avait mis en garde le gouvernement arménien contre le risque de causer des « dommages irréparables » à leurs relations, déjà tendues, mais un accord avait finalement été conclu en mai pour le retrait de ces gardes-frontières avant le 1er août.
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