

Le Pakistan a mené des frappes sur le sol afghan, vendredi 17 octobre dans la soirée, tuant au moins dix civils et rompant, selon Kaboul, le cessez-le-feu qui avait ramené pendant deux jours le calme à la frontière, après des affrontements meurtriers.
A l’annonce de la trêve mercredi à 15 heures (heure de Paris), Islamabad avait affirmé qu’elle devait durer quarante-huit heures, mais l’Afghanistan avait estimé qu’elle serait en vigueur jusqu’à sa violation par la partie adverse.
« Il y a quelques minutes, le Pakistan a rompu le cessez-le-feu et bombardé trois endroits [dans la province frontalière de] Paktika », a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) un haut responsable taliban sous le couvert de l’anonymat, promettant que son pays « ripostera ».
Plus tard dans la soirée, des sources sécuritaires pakistanaises ont annoncé dans un court communiqué que « le Pakistan a[vait] mené des frappes aériennes de précision contre le groupe terroriste Hafiz Gul Bahadur dans les régions frontalières de l’Afghanistan, près des districts [pakistanais] du Waziristan du Sud et du Nord ».
Huit joueurs de cricket tués « dans une frappe aérienne »
D’après un responsable de l’hôpital provincial de Paktika, dix civils, dont deux enfants, ont été tués et douze personnes blessées. La fédération de cricket a fait savoir que huit joueurs qui s’étaient rendus dans la région pour un tournoi et séjournaient dans une auberge ont été tués « dans une frappe aérienne ». Il n’était pas clair dans l’immédiat si ces huit joueurs faisaient partie des dix civils comptabilisés par l’hôpital de Paktika.
A 15 heures, lorsque la trêve avait expiré selon Islamabad, aucune partie n’avait fait état de sa prolongation, ni annoncé officiellement de discussions bilatérales à son sujet.
Le porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid, a déclaré en soirée : « Nous avons dit aux soldats : “N’attaquez pas, sauf si les forces pakistanaises le font. Si elles le font, alors vous avez tous les droits de défendre votre pays.” »
Il a estimé, dans un entretien avec la chaîne de télévision afghane Ariana, que des « négociations » pouvaient « régler les problèmes », sans toutefois faire état de pourparlers avec le voisin pakistanais.
« Attendons que les quarante-huit heures soient passées, et nous verrons si le cessez-le-feu tient », a lancé dans l’après-midi Shafqat Ali Khan, le porte-parole du ministère des affaires étrangères pakistanais, assurant « essayer de travailler par la voie diplomatique pour la rendre durable ».
Une flambée de violence d’une rare intensité
Le cessez-le-feu a tenu pendant deux jours, ramenant le calme dans les régions frontalières et à Kaboul, après une flambée de violences d’une rare intensité. Les affrontements ont fait des dizaines de morts, des combattants, mais aussi des civils, surtout mercredi.
Jeudi, le premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, avait jugé que la balle était « dans le camp » des autorités de Kaboul pour une trêve durable, dénonçant une nouvelle fois le fait que « des terroristes opèrent du côté afghan de la frontière avec impunité ». « Le Pakistan attend des actions concrètes et vérifiables du régime taliban contre ces éléments terroristes », a martelé Shafqat Ali Khan, au cours d’une conférence de presse.
La confrontation a commencé la semaine dernière après des explosions dans la capitale afghane que les autorités talibanes ont imputées au voisin pakistanais. En représailles, l’Afghanistan a déclenché une offensive à la frontière, le 13 octobre, à laquelle Islamabad a promis une « réponse musclée ».
« Notre réponse défensive ne ciblait pas des civils ; nous faisons preuve d’une grande prudence pour éviter la perte de vies civiles, contrairement aux forces talibanes », a affirmé Shafqat Ali Khan.
La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (Manua) a dit jeudi avoir recensé 37 civils tués et 425 blessés du côté afghan de la frontière en ces quelques jours, appelant les deux parties à mettre un terme aux hostilités « de façon durable ».
Le calme est également revenu dans la capitale afghane où, peu de temps avant l’annonce du cessez-le-feu mercredi, de nouvelles explosions avaient retenti. Elles n’ont pas été revendiquées, mais des sources de sécurité pakistanaises ont fait état de « frappes de précision » contre un groupe armé. Certaines sources afghanes ont expliqué que le Pakistan était responsable d’au moins l’une des explosions, et qu’il s’agissait de bombardements aériens, mais le gouvernement n’a pas accusé officiellement son voisin, cette fois-ci.
La semaine dernière, les premières déflagrations avaient eu lieu au moment où commençait une visite inédite du chef de la diplomatie talibane en Inde, l’ennemi historique du Pakistan.