
L’Assemblée nationale a voté, le 30 octobre, pour la première fois de la Ve République, un texte du Rassemblement national, en l’espèce une résolution en faveur de la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 – qui régit les règles du séjour des Algériens en France. A gauche, on fustige les relents xénophobes d’une telle entreprise, permise grâce au concours des voix de la droite et d’Horizons. S’il a regretté le vote de l’Assemblée, le premier ministre Sébastien Lecornu s’est dit favorable à une renégociation de l’accord, que deux rapports parlementaires de 2025 ont jugé trop favorable aux Algériens et ne se justifiant plus, soixante-trois ans après l’indépendance. « On peine à penser la singularité de la relation franco-algérienne qui peut conduire à la reconnaissance d’une mobilité plus aisée, souligne Emmanuel Blanchard, historien et professeur à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Or, il n’y a pas eu d’autre colonie de peuplement, à part la Nouvelle-Calédonie, et il n’y a pas beaucoup d’étrangers qui ont été français pendant plus d’un siècle. »
Un détour par l’histoire est nécessaire pour appréhender le sens de ce texte devenu totémique. A partir du milieu du XIXe siècle, toutes les populations d’Algérie ont été statutairement françaises jusqu’à 1962, année de l’indépendance et des accords d’Evian. Ces derniers, conçus dans l’idée du maintien en Algérie des « pieds-noirs », prévoient la libre circulation de tous, y compris des Algériens, qui conservent donc le droit d’entrer et de s’établir en France. Mais cette fiction s’effondre doublement : les attentats de l’Organisation de l’armée secrète et du Front de libération nationale contraignent les Français d’Algérie à fuir le pays. Quant aux Algériens, ils immigrent en nombre et de façon inattendue vers la France, fuyant le désordre régnant en Algérie et attirés par les emplois industriels en France. Le principe de libre circulation, devenu sans objet pour les Français, s’applique de fait seulement aux Algériens.
Fin du principe de libre circulation
Dès 1963, la France cherche à limiter leur venue, et le ministère de l’intérieur instaure des contrôles médicaux à l’arrivée, qui permettent que « des centaines de personnes [soient] régulièrement refoulées par bateau », rapporte Baptiste Mollard, chercheur au Centre de recherches en sociologie du droit et des institutions pénales. En 1964, l’accord Nekkache-Grandval prévoit que « les arrivées de travailleurs algériens seront fixées en fonction des disponibilités en main-d’œuvre de l’Algérie et des possibilités du marché français de l’emploi ». Il comporte, en outre, une clause informelle de « rapatriement des oisifs », souhaitée par le ministère de l’intérieur français. « Ce contingentement strict et inédit place les dirigeants algériens dans une situation de subordination durable », poursuit Baptiste Mollard. Même si la France dénonce son contournement par l’arrivée de travailleurs algériens déguisés en « faux touristes », c’est l’Etat français qui décide du nombre de travailleurs admis.
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