Réputé plus tacticien que stratège, Vladimir Poutine a su profiter de la guerre à Gaza, et désormais au Liban, pour se rapprocher du Sud global. Le chef du Kremlin ne cesse depuis un an de prendre la défense de la cause palestinienne face à Israël. Par le passé, il s’était régulièrement présenté au Proche-Orient en médiateur équilibriste : grâce à ses bonnes relations avec l’Iran et Israël, mais aussi avec les Etats sunnites du Golfe et l’Egypte, le président russe était l’un des rares acteurs à parler à tout le monde.
Même si Vladimir Poutine n’a pas coupé les ponts avec le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avec qui il entretenait des relations complexes, et si l’opinion publique reste en grande partie favorable à Israël – un pays qui accueille une diaspora russe depuis des décennies –, le Kremlin ne cesse pourtant d’appeler à la création d’un Etat palestinien.
Le message du Kremlin, qui sait profiter des erreurs des Etats-Unis, est clair : la défense de la cause palestinienne lui permet d’amplifier son narratif présentant la Russie en fer de lance de l’anticolonialisme et de l’antiaméricanisme. Un discours qui plaît au Sud global.
Double message
« Au Proche-Orient comme en Afrique, les pays du Sud voient le soutien du Kremlin aux Palestiniens. Cela a fortement accru son image et sa crédibilité », constate un diplomate européen à Moscou. « Nous ne sommes pas dupes : les Russes exploitent sans doute ce soutien, reconnaît un diplomate d’un des pays d’Afrique les plus courtisés par la Russie. Même si elle n’a pas eu d’effets concrets sur la situation à Gaza, la position plutôt pro-Palestine du Kremlin lui a permis de gagner des points chez nous, au niveau de la population mais aussi des élites. D’autant plus que cela contraste avec le soutien occidental à Israël. »
Vladimir Poutine utilise la présidence de l’organisation des pays du BRICS occupée par la Russie en 2024 pour donner davantage d’écho à ses messages et sait que ses diatribes antioccidentales font mouche dans le Sud global. Maintes fois répétées en plus de deux ans et demi d’« opération militaire spéciale » en Ukraine, elles permettent de faire passer un double message : l’Ouest aurait dû s’occuper moins de l’Ukraine et plus du Moyen-Orient où sa diplomatie a échoué ; Kiev va voir décliner le soutien des Occidentaux, désormais plus préoccupés par le Proche-Orient. Loin de Gaza et du Liban, Moscou reste donc avant tout concentré sur ses priorités.