C’est un communiqué laconique mais il a fait trembler tout un pays : « La Cour constitutionnelle annule l’intégralité du processus électoral pour l’élection du président de la Roumanie. » L’annonce, vendredi 6 décembre, à deux jours du second tour de la présidentielle, a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans un pays en proie à des tensions politiques croissantes. « Aujourd’hui, l’Etat roumain a fait s’agenouiller la démocratie, a déclaré Elena Lasconi, la candidate pro-européenne arrivée en deuxième position au premier tour du scrutin, le 24 novembre. L’économie s’effondre, la démocratie est détruite et le pays se dirige vers l’anarchie. »
La crédibilité de la Cour constitutionnelle de Roumanie est mise à rude épreuve faute d’avoir justifié de manière précise sa décision controversée. Cette institution, censée être le pilier de la justice, voit son indépendance mise en doute.
Si les neuf juges qui la composent sont nommés pour un mandat unique de neuf ans, leur sélection repose sur un processus politique : un tiers est désigné par la Chambre des députés, un autre par le Sénat et le dernier par le président de la République. Malgré les efforts du Conseil supérieur des magistrats pour instaurer un processus de nomination indépendant, la Cour reste ainsi liée aux sphères de pouvoir. Cette proximité nourrit les soupçons quant à sa capacité à trancher en toute impartialité. La crise actuelle, désormais déplacée des urnes vers le champ juridique, met en lumière ces vulnérabilités.
Calin Georgescu, candidat d’extrême droite et prorusse arrivé en tête au premier tour de la présidentielle, a saisi cette occasion pour se poser en victime du système. « Les neuf juges de la Cour constitutionnelle ne peuvent imposer leur autorité à la volonté de neuf millions de Roumains qui ont voté, a-t-il lancé après l’annulation des élections. Nous sommes face à un déséquilibre des trois pouvoirs dans l’Etat. Le peuple roumain est souverain et personne ne pourra m’arrêter parce que je suis son représentant. Je suis en train d’écrire une page d’histoire que l’actuel système ne pourra effacer. C’est tout simplement un coup d’Etat organisé. Notre démocratie est en danger. »
Le premier tour de l’élection présidentielle avait balayé les pronostics en éliminant les poids lourds des deux partis historiques : le premier ministre social-démocrate, Marcel Ciolacu, et le libéral Nicolae Ciuca. Les Roumains ont exprimé par leur vote leur rejet des formations traditionnelles qui occupaient alternativement le pouvoir depuis la chute du communisme, il y a trente-cinq ans. Désormais, c’est sur TikTok et sur d’autres réseaux sociaux que se dessinent les choix politiques. C’est ainsi que deux candidats antisystème – Calin Georgescu et Elena Lasconi – ont émergé sur l’échiquier politique.
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