Livre. Avec son ouvrage Pape François. La révolution (Gallimard, 288 pages, 21 euros), Jean-Marie Guénois entend établir le bilan de la première décennie de ce pontificat inédit – premier pape jésuite de l’histoire, premier pape non européen depuis le VIIIe siècle, premier pape issu du continent américain –, démarré en mars 2013. C’est d’abord sur la personnalité de François que se penche l’auteur, rédacteur en chef chargé des questions religieuses au Figaro. Jean-Marie Guénois évoque avec une certaine sympathie la simplicité d’un pape qui a le tutoiement facile et prend ses repas au buffet collectif de la maison Sainte-Marthe. François, comprend-on, n’a jamais accepté de « faire le pape », avec toute la pompe et la théâtralité que cette expression suggère.
S’il en agace certains, c’est aussi parce que le pape se fait souvent cassant avec les hauts personnages qui l’entourent, tout en témoignant au contraire une grande attention pour les petites mains du Vatican. Jean-Marie Guénois livre une anecdote savoureuse à ce sujet. En 2016, le porte-parole du Saint-Siège, Federico Lombardi, prend sa retraite le même jour qu’un bagagiste chargé des valises pontificales lors des voyages. Tandis que l’on se réunit autour d’un gâteau pour remercier le premier, François s’avance, le partage en deux pour en donner la moitié au second, puis prend la parole devant soixante-dix journalistes pour longuement louer l’employé sans presque rien dire du travail réalisé pendant vingt-sept ans par le prélat, qui avait pourtant dirigé Radio Vatican puis la salle de presse du Saint-Siège. Manière pour le pape d’exprimer son attachement à l’égalité au sein du « peuple de Dieu ».
La « grande ambition »
Au-delà du personnage François, que restera-t-il des dix premières années du pontificat ? L’auteur retient évidemment ses réformes visant à limiter l’influence de la curie, la mise en sourdine des traditionnelles injonctions sur la morale sexuelle, la volonté de mettre l’accent sur les « périphéries », « l’option préférentielle pour les pauvres » ou encore le souci écologique. Toutefois, la « grande ambition du pontificat » est ailleurs, nous dit Jean-Marie Guénois : dans la promotion de la « synodalité », c’est-à-dire la participation de l’ensemble des baptisés à la vie d’une Eglise que le pape rêve moins hiérarchisée.
Jean-Marie Guénois ne compte pas parmi les thuriféraires de François. Il laisse en effet régulièrement poindre son agacement à l’encontre d’un pape qui s’adresse au monde d’un ton fort amical, tout en se montrant souvent autoritaire voire colérique à l’égard du clergé ou de catholiques ordinaires jugés insuffisamment évangéliques à ses yeux. Jean-Marie Guénois souligne également que, si le pape sait se faire apprécier des non-catholiques, cela ne suffit pas à repeupler les églises des sociétés occidentales sécularisées.
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