La mort d’Ifigenia Martinez, figure tutélaire de la gauche mexicaine

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Ifigenia Martinez, à Mexico, en 2019.

Sa dernière apparition publique avait été vue par tout le Mexique : quatre jours avant sa mort, Ifigenia Martinez présidait la cérémonie d’investiture de la nouvelle présidente, Claudia Sheinbaum, le 1er octobre. A 99 ans, elle venait d’être élue présidente de la Chambre des députés par ses pairs du Mouvement Régénération nationale (Morena, gauche), afin que ce soit elle, justement, qui remette l’écharpe présidentielle à la première cheffe d’Etat du Mexique.

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S’agissant d’une des fondatrices de la gauche mexicaine, cet honneur lui revenait de droit. La présidente élue n’a-t-elle pas professé elle-même, en août, toute son admiration pour son aînée, avant de confier qu’elle avait inscrit symboliquement le nom d’Ifigenia Martinez à la place du sien sur son bulletin de vote à la présidence ?

Née le 16 juin 1925 à Mexico, Ifigenia est l’aînée d’une famille de cinq enfants de la classe moyenne. Son père, un cheminot lettré, insiste pour que tous fassent des études et pousse sa première fille vers l’économie. En 1942, Ifigenia abandonne la danse classique pour entrer à l’Ecole nationale d’économie. C’est là qu’elle rencontre son mari, l’économiste Alfredo Navarrete Romero, avec qui elle part aux Etats-Unis cinq ans plus tard pour poursuivre ses études supérieures.

Elle devient alors la première Mexicaine à obtenir un master puis un doctorat à Harvard, et ce titre de « pionnière » l’accompagnera toute sa vie : elle a ainsi été la première économiste du Mexique à travailler sur l’inégalité, la première directrice de la faculté d’économie de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM), la première sénatrice de l’opposition élue à Mexico et la première militante féminine à fonder un parti politique de gauche au Mexique.

Résistance à l’autoritarisme

En 1949, de retour des Etats-Unis, elle commence une carrière qui alterne l’enseignement et l’administration. Elle fait partie des fondateurs de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal) et intègre le ministère des finances, où elle dirige le bureau des études économiques.

Même si elle est membre du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) qui dirigea le Mexique en continu jusqu’en 2000, elle s’oppose à plusieurs décisions du parti, qu’elles soient d’ordre économique ou politique. Le plus célèbre de ses actes de résistance a lieu le 10 septembre 1968, au plus fort des manifestations étudiantes contre le conservatisme de la société, lorsqu’elle s’oppose à l’entrée des militaires dans l’UNAM, où elle dirigeait alors la faculté d’économie. Ce geste de désobéissance lui vaudra d’être arrêtée par les militaires.

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