Le Hamas n’a jamais été en aussi mauvaise posture que depuis sa création, en 1987. Ses combattants sont laminés par l’armée israélienne. Le territoire sur lequel il régnait est en ruines. Il est décrédibilisé sur le plan régional. Et ses dirigeants sont éliminés les uns après les autres. Si la mort de Yahya Sinouar ne signifie pas la fin du mouvement islamiste palestinien, c’est l’achèvement d’une ère marquée par un règne mené d’une main de fer.
« C’est un coup dur pour le Hamas. Yahya Sinouar était un facteur unificateur à Gaza. Il avait été élu deux fois et a réussi à créer un environnement favorable pour l’ensemble des factions palestiniennes dans l’enclave. Ça lui prendra du temps avant de se reconstituer », analyse Omar Shaban, politiste palestinien.
Quand il fait son retour dans la bande de Gaza en 2011, après vingt-deux ans d’incarcération en Israël, il s’appuie sur sa légitimité de membre fondateur et d’ancien prisonnier. Elu en 2013 au bureau politique du Hamas, il en devient le chef à Gaza en 2017. Son leadership reflète une évolution vers des tactiques plus agressives, marquant un éloignement des engagements politiques antérieurs du Hamas. Il a joué un rôle-clé dans la stratégie militaire du mouvement et de ses alliés, développant à la fois la défense, avec un réseau de tunnels immense, et l’attaque, avec un arsenal de roquettes faites maison.
« Il n’y a plus de leaders politiques à Gaza »
Mais l’homme de guerre imprime aussi une marque politique. C’est un homme de l’intérieur, enraciné à Gaza, qui ne quitte pour ainsi dire jamais l’enclave. Sa manière forte se conjugue avec une proximité avec les Gazaouis : « Il parlait aux jeunes, aux combattants, aux hommes d’affaires, à tout le monde. Malgré sa mainmise implacable, il était populaire », commente un observateur qui souhaite rester anonyme.
Bien que Yahya Sinouar ait participé aux négociations de cessez-le-feu, il ne s’occupe guère de diplomatie, qu’il laisse aux dirigeants basés à l’étranger. Il critique ouvertement tout pourparler de paix à long terme avec Israël et croit avant tout à l’option armée.
L’attaque du 7-Octobre brise le blocus de Gaza, au prix d’atrocités sanglantes, et déclenche une riposte meurtrière de la part d’Israël. Celui qui pensait provoquer l’effondrement de l’Etat hébreu a provoqué la ruine du territoire qu’il contrôlait. A la faveur de la guerre, il est élu, à 61 ans à la tête du bureau politique de l’organisation en août, après l’assassinat, en Iran, de son prédécesseur, Ismaïl Haniyeh, le 31 juillet, attribué à Israël. Règne fugitif.
Il vous reste 48.62% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.