

La proposition de loi très attendue pour lutter contre le narcotrafic, priorité du gouvernement, a été définitivement adoptée, mardi 29 avril, au Parlement.
Le texte d’initiative sénatoriale a été approuvé par 396 voix contre 68 à l’Assemblée nationale, où l’exécutif, privé de majorité absolue, obtient ainsi un rare succès.
La réforme avait été approuvée lundi à l’unanimité au Sénat, malgré l’abstention des écologistes, après un accord entre les parlementaires des deux chambres en commission mixte paritaire.
Ce texte est globalement assez consensuel, malgré plusieurs mesures irritantes pour la gauche, qui craint des atteintes aux libertés publiques ou aux droits de la défense. Plusieurs de ses représentants ont promis de saisir le Conseil constitutionnel.
« Il y a peu de textes qui ont cette force-là », a souligné lundi devant les sénateurs le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, saluant un « vrai succès », « rare dans la situation politique qui est la nôtre », après le vote unanime de ses anciens collègues. « Cela veut bien dire qu’on peut transcender les clivages partisans, dès lors que nos objectifs concernent vraiment les intérêts fondamentaux de notre nation », s’est-il félicité.
Lorsqu’il dirigeait encore les sénateurs Les Républicains, il avait lui-même participé à la mise en chantier du texte, issu d’une commission d’enquête transpartisane sur les ravages du trafic de drogue et de la criminalité organisée.
Viser le « haut du spectre »
L’aboutissement de la proposition de loi, présenté par deux sénateurs de bords politiques opposés – Etienne Blanc (Les Républicains) et Jérôme Durain (Parti socialiste) -, doit beaucoup à son caractère transpartisan. Il récompense aussi la stratégie gouvernementale de « laisser la main aux parlementaires », régulièrement assumée par le premier ministre, François Bayrou, privé de majorité à l’Assemblée nationale et souvent mis en difficulté lorsqu’il propose lui-même des projets de loi sur des sujets sensibles.
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Ce succès fait aussi figure d’exception, alors que de nombreux autres dossiers patinent, entre une réforme de l’audiovisuel public avortée, un projet de loi de « simplification » dont l’examen s’éternise, ou encore des désaccords sur les déserts médicaux et la liberté d’installation des médecins. Avec ce texte, M. Retailleau et le ministre de la justice, Gérald Darmanin, souhaitent s’attaquer au « haut du spectre » de la criminalité organisée en dotant la France d’un arsenal répressif permettant aux forces de l’ordre et à la justice de lutter « à armes égales » contre les narcotrafiquants.
Parquet spécialisé
Mesure phare et consensuelle de la réforme : la création en janvier 2026 d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), compétent sur les dossiers les plus graves et complexes, sur le modèle du parquet national antiterroriste (Pnat). Ce parquet spécialisé, chargé de coordonner les juridictions locales, serait adossé à une nouvelle ossature des services d’enquête regroupés au sein d’un futur « état-major » interministériel basé à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Dans la même logique d’une réponse spécifique au « piège du narcotrafic », Gérald Darmanin a obtenu la création de quartiers de haute sécurité pour les trafiquants les plus dangereux, inspirés des lois antimafia italiennes et dont le premier exemple verra le jour fin juillet à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).

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Un dispositif controversé permettant la création d’un « dossier-coffre » ou « procès-verbal distinct », pour ne pas divulguer certaines informations relatives à des techniques spéciales d’enquête aux trafiquants et à leurs avocats, va également voir le jour avec cette loi, tout comme diverses dispositions renforçant l’arsenal de lutte contre le blanchiment ou facilitant le travail des enquêteurs. Autant de mesures dénoncées par les députés LFI, qui regrettent l’option répressive privilégiée au détriment, selon eux, d’une logique de prévention passant notamment par la légalisation du cannabis.