La jeune héritière, la « belle-mère » et les millions dilapidés

2486


Cléophée Herrmann, au café Rapp, à Colmar, le 24 septembre.

Installé en marge du centre-ville de Colmar, le restaurant turc Sahmeran est réputé pour ses viandes de premier choix et son service chaleureux. Ce soir de septembre, Cléophée Herrmann, 34 ans, prend les commandes, apporte mezze et grillades à des touristes engourdis à force d’arpenter les canaux de la « petite Venise » alsacienne. A la voir trottiner en tenue de travail noire, difficile de deviner qu’elle est la dernière héritière d’une des dynasties industrielles les plus puissantes et les plus controversées de la région, et qu’elle a été à la tête d’une fortune de plus de 11 millions d’euros. « J’avais tout, aujourd’hui je n’ai plus rien », résume-t-elle en baissant les yeux.

Cléophée Herrmann raconte sa vie à trimer en horaires décalés, sa maigre paie qui lui sert à acheter couches et petits pots à son fils de 2 ans, qu’elle élève avec son compagnon : « Je mène une vie normale, la vie de tous les Français », souffle-­t-elle avec une pointe de résignation. Traits anguleux, teint pâle, piercing blanc sous la lèvre et tatouages sur les bras et dans le décolleté, elle parle avec calme et lucidité. Mais, lorsqu’elle retrace cette escroquerie hors normes pour laquelle elle a porté plainte le 26 octobre 2017, son menton tremble d’indignation. Une « belle-mère » manipulatrice, Josiane Seiler, un couple de « voyante » et « marabout » peu recommandable, et plusieurs millions d’euros volatilisés sur fond de saga familiale et industrielle…

Il a fallu six ans d’enquête à la police strasbourgeoise pour démêler les fils de cette incroyable affaire d’emprise. Et pour que Cléophée Herrmann obtienne enfin « son » procès pour « abus de faiblesse » qui s’est tenu à Colmar le 27 juin et a abouti, jeudi 17 octobre, à la condamnation de Josiane Seiler et de ses filles. Elle en résume l’enjeu à sa façon : « Josiane et ses filles m’ont tuée, elles m’ont ruinée mentalement, elles m’ont tout pris… »

Paternalisme autoritaire

Elle s’appelle Cléophée Herrmann, du nom de son père, mais pour tout le monde ici elle est d’abord la « petite Schlumpf », petite-fille de l’industriel Fritz Schlumpf. Un nom célèbre dans la région et aujourd’hui associé au Musée national de l’automobile à Mulhouse et à ses deux cent mille visiteurs annuels, mais qui a longtemps suscité plus de colère que d’admiration. Des photos de famille datant du début des années 1990 montrent Fritz Schlumpf posant en chaise roulante à côté de sa petite-fille, avec ses favoris blancs qui lui donnent des airs de chambellan autrichien. Il faudra plusieurs années à Cléophée Herrmann avant de connaître les détails de son histoire, faite de succès et de déconfiture.

Il vous reste 89.69% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link