La « girlboss », cette néoféministe super-carriériste

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Tous les matins, elle est présente dans « Le 7/10 » de France Inter, chaque samedi soir sur le plateau de « Quelle époque ! » de France 2, tout en étant la tête d’affiche du podcast « Femmes puissantes »… Pour ponctuer sa biographie sur le réseau X, la journaliste Léa Salamé écrit « dor[t] parfois », comme pour montrer que malgré un emploi du temps de ministre, elle arrive à dégager du temps de sommeil résiduel, telle une « girlboss ».

Ce terme apparaît en 2014 aux Etats-Unis, quand la cheffe d’entreprise Sophia Amoruso publie son autobiographie sobrement intitulée #GirlBoss (Globe, 2015). Dans ce best-seller, la Californienne raconte comment, à 22 ans, elle a bâti la première friperie en ligne, qui deviendra l’empire de la fast fashion Nasty Gal (« vilaine fille »). « J’ai construit mon entreprise toute seule avant même d’avoir 30 ans. Je ne viens pas d’une famille riche, je n’ai pas fréquenté d’école prestigieuse, mais j’ai passé des années à me salir les mains en triant des tas de fripes », fanfaronne-t-elle en quatrième de couverture. En 2017, la série Girlboss de Netflix finit de populariser l’appellation. Mais la réalité qu’elle recouvre émerge en fait bien avant, dans les années 1990, avec la figure de la business woman, travailleuse performante et épouse-mère accomplie, grande prêtresse de la conciliation des compartiments de vie.

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On utilise aujourd’hui l’étiquette « girlboss » pour qualifier plutôt une milléniale blanche, qui arrive à conjuguer plusieurs existences à la fois : celle de femme heureuse en couple, de mère moderne, d’entrepreneuse indépendante, de cheffe d’équipe ambitieuse, de sportive invétérée. Tout ça, le sourire aux lèvres (rouge carmin), l’air de dire à ses consœurs : « Si j’y arrive, vous pouvez toutes le faire. » Sur TikTok, le mot-dièse #girlboss enregistre plus de 13,4 milliards de vues.

Tout concilier sans moufter

Mais, depuis le Covid-19 et les réflexions sur la place du travail dans nos vies, ce discours censé être féministe est de plus en plus perçu comme culpabilisant. Dans le monde anglo-saxon surtout, la notion de « girlboss » prend une connotation plus péjorative et ironique, et devient une blague pour critiquer l’injonction néolibérale à tout concilier sans moufter.

En 2021, le mème « Gaslight, Gatekeep, Girlboss » (« manipule, contrôle l’accès, girlboss ») fait le tour du monde. Ce détournement de l’expression « Live, Laugh, Love » (« vis, ris, aime ») se moque de la figure de la girlboss et la dépeint comme une femme puissante peu scrupuleuse, qui crée autour d’elle un espace de travail toxique qu’elle dissimule sous un vernis féministe. Bref, sororité et harcèlement moral.

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