la gauche met sous pression François Bayrou, qui dénonce des « polémiques artificielles »

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Le premier ministre, François Bayrou, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, à Paris, le 14 janvier 2025.

Alors que François Bayrou a assuré, mardi, n’avoir « jamais été informé » des agressions sexuelles qui ont eu lieu dans un établissement catholique du Béarn, la gauche a mis la pression sur le premier ministre, mercredi 12 février, en s’appuyant sur la publication d’un deuxième article par Mediapart qui dénonce les « mensonges » du maire de Pau.

Le parquet de Pau mène l’enquête depuis un an sur une centaine de plaintes visant des faits présumés de violences, agressions sexuelles et viols commis au collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques, entre les années 1970 et 1990. Le chef du gouvernement, originaire de la région, a scolarisé plusieurs de ses enfants dans cette institution et son épouse y a enseigné le catéchisme.

Selon une enquête de Mediapart publiée le 5 février, il avait connaissance des faits lorsqu’il était ministre de l’éducation (1993-1997), ce qu’il dément. « Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit de violences ou de violences a fortiori sexuelles. Jamais », a affirmé, mardi, François Bayrou à l’Assemblée nationale, en réponse à une question du député de La France insoumise Paul Vannier. Mais le média d’investigation a publié mardi soir un nouveau volet à son enquête, affirmant le contraire.

Appels à la démission

Interpellé une nouvelle fois sur le sujet dans l’hémicycle mercredi 12 février, François Bayrou a de nouveau dit qu’il « récusait » les accusations de mensonges le ciblant sur cette affaire. « Je vais redire ce que j’ai dit hier : jamais je n’ai été, à cette époque, averti en quoi que ce soit, (…) des faits qui ont donné lieu à des plaintes ou à des signalements », a déclaré le chef du gouvernement, en réponse au député écologiste Arnaud Bonnet qui l’a interpellé sur le sujet, après l’« insoumis » Paul Vannier, quelques minutes plus tôt. « Je récuse les polémiques artificielles sur ce sujet », a ajouté le premier ministre, alors que les deux élus de gauche ont réclamé sa démission à la lumière des informations publiées.

La réponse n’est « pas à la hauteur de la gravité des faits ni de la souffrance des victimes », a protesté sur X le chef de file du Parti socialiste (PS), Olivier Faure. « Bayrou démission », a de son côté, réclamé Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise à l’Assemblée. Les députés socialistes ont par ailleurs estimé que François Bayrou « doit la vérité » aux victimes de cette affaire et à la représentation nationale, dans un communiqué de presse.

« Des articles de presse publiés depuis apportent des éléments qui contredisent la version du premier ministre. S’ils étaient avérés, cela constituerait un mensonge et donc une faute grave », juge le PS. Les élus socialistes estiment également que le premier ministre, « en ne prononçant jamais le mot “victimes” pour les personnes concernées, a fait preuve d’une légèreté inacceptable » mardi. Ce dernier avait déclaré sa « sympathie » pour « les personnes, les hommes ou les garçons, qui ont été en souffrance dans ces affaires-là ».

« Votre silence indique que l’omerta règne au sommet de l’Etat. Il engage directement le président de la République, seul responsable de votre maintien à Matignon », a, quant à lui, fustigé Paul Vannier, dans l’hémicycle. Le ministre de la justice, Gérald Darmanin, qui a répondu sous les huées au député « insoumis », a dit « avoir une pensée pour tous ces enfants (…) victimes et qui méritent (…) mieux que des jeux politiciens », et a renvoyé au parquet de Pau, « seul à pouvoir communiquer » sur cette affaire.

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Selon le procureur de la République de Pau, interrogé mercredi, les auditions de victimes sont terminées et le parquet doit décider désormais des suites judiciaires à donner.

Courriers et rencontres

François Bayrou assure que « lorsque la première plainte est déposée », selon lui « en décembre 1997 », il a « quitté déjà le ministère de l’éducation nationale depuis des mois », et qu’il n’aurait pas scolarisé ses enfants dans un établissement visé par de « tels soupçons ». Or, oppose Mediapart, la première plainte dénonçant les violences physiques d’un surveillant à Bétharram, sur un enfant de la classe d’un des fils de M. Bayrou, a été déposée en avril 1996 – l’homme a été condamné par la suite. Puis en mai 1998, alors qu’il était redevenu député des Pyrénées-Atlantiques et président du conseil général, un ancien directeur de l’institution avait été mis en examen et écroué pour viol.

Toujours selon le média, en mai 1996, François Bayrou, alors ministre, avait organisé « une visite officielle dans l’établissement, un mois après le dépôt de la plainte de la victime et alors que l’affaire était largement commentée dans les médias ». Mediapart raconte qu’il avait alors « fait directement référence à cette première plainte et défendu Bétharram ». Des témoins interrogés par Mediapart puis sollicités par l’Agence France-Presse contredisent par ailleurs les dires du premier ministre. Françoise Gullung, professeure de mathématiques à Bétharram de 1994 à 1996, dit avoir alerté à plusieurs reprises les autorités pour « dénoncer une atmosphère d’agressivité et de tensions anormales ». « J’en ai notamment parlé de vive voix à François Bayrou pour lui dire qu’il fallait être vigilant (…). Il a évacué mollement ce que je lui disais », affirme-t-elle, ajoutant lui avoir « également adressé un courrier au conseil général », qu’il présidait à l’époque.

Selon les informations du Monde et de La République des Pyrénées, l’actuel premier ministre avait rencontré, en 1998, le juge chargé d’instruire le dossier de viol à Notre-Dame-de-Bétharram. Cet ancien magistrat affirme qu’ils avaient évoqué l’affaire et a dit à Mediapart ne pas comprendre pourquoi François Bayrou le « dément aujourd’hui ». Enfin, Mediapart a publié mardi soir, le courrier adressé, en mars 2024, au maire de Pau par une victime pour témoigner des violences subies dans l’établissement à la fin des années 1950, resté sans réponse.

Mercredi, l’association Mouv’Enfants, fondée par Arnaud Gallais, ancien membre de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, a collé des messages sur les murs de l’établissement scolaire dénonçant « cinquante ans de déni » ou « 112 plaintes pour des violences », qui ont vite été retirés.

Le Monde avec AFP

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