La France à la peine au Proche-Orient

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Au cours d’un échange téléphonique, dimanche 6 octobre, le président de la République française et le premier ministre israélien ont assumé leurs « différences », selon le communiqué de l’Elysée. La veille, Emmanuel Macron avait suscité la colère de Benyamin Nétanyahou en prônant l’arrêt des livraisons d’armes à Israël « pour mener les combats à Gaza ». Outrancier comme à son habitude, ce dernier avait présenté cette déclaration comme un « embargo » visant un pays exposé « au mal iranien ».

Il y a beaucoup à dire à propos d’un dirigeant qui multiplie les guerres sans présenter d’autres perspectives à son pays que des conflits éternels. Il est difficile cependant de ne pas s’interroger à l’occasion de cette algarade sur la cohérence et la pertinence de la diplomatie française dans une des rares parties du monde où sa voix a longtemps porté.

On ne peut que le déplorer, cette parole française est devenue inaudible depuis le séisme du 7 octobre 2023 et ses répliques régionales. Cet état de fait est le produit d’une regrettable politique de la godille qu’illustre la déclaration bien tardive à propos de Gaza, transformé depuis longtemps en champ de ruines.

Emmanuel Macron ne s’était pas rendu service au lendemain des massacres de civils israéliens par le Hamas en prônant la mobilisation contre la milice palestinienne d’une coalition internationale semblable à celle mise sur pied contre les djihadistes de l’organisation Etat islamique, au mépris des racines du conflit israélo-palestinien. Il a pu mesurer son impuissance le 27 septembre lorsque sa proposition de cessez-le-feu au Liban, avancée conjointement avec les Etats-Unis, a été balayée par Israël. Dans l’intervalle, le président a été souvent réduit à un rôle de spectateur.

Créativité diplomatique

Les circonstances, il est vrai, ne lui sont guère favorables. La mise en panne du Conseil de sécurité des Nations unies par Washington, dès qu’Israël est en jeu, prive Paris d’un important levier diplomatique. Pour les mêmes raisons, étayées par une histoire douloureuse, l’Union européenne se résigne depuis longtemps à l’immobilisme à la seule mention de l’Etat hébreu.

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Cette situation impose des initiatives nouvelles pour rester fidèle aux principes que la France a toujours défendus : le caractère non négociable de la sécurité d’Israël et l’indiscutable droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Incapable de peser seule, comme l’avait montré l’échec cinglant essuyé au Liban avant la guerre pour tenter de tirer le pays du Cèdre de sa paralysie politique, la France se doit de forger des coalitions de bonnes volontés. Cet effort pourrait commencer par les pays européens qui partagent les mêmes préoccupations que Paris sur le dossier israélo-palestinien.

La reconnaissance de la Palestine en rangs dispersés, comme celle à laquelle ont procédé l’Espagne, l’Irlande et la Norvège en mai, relève du contre-exemple. L’adoption en commun de mesures de rétorsion à chaque décision de la coalition gouvernementale israélienne renforçant la colonisation en Cisjordanie occupée, illégale au regard du droit international, serait au contraire une avancée.

Cette créativité diplomatique est devenue nécessaire, voire impérative. L’impotence à laquelle se résignent les Etats-Unis, qui furent longtemps le métronome du conflit israélo-palestinien, contribue en effet à une dérive lourde de menaces pour une région parmi les plus instables au monde.

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Le Monde

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