« La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme en raison de la durée excessive des procédures judiciaires »

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Tous ceux qui, de près ou de loin, ont un jour été confrontés à la justice française le savent : celle-ci est très lente. Trop lente. Le problème touche toutes les juridictions, partout sur le territoire. Et il ne tend malheureusement pas à se résorber.

L’une des principales causes tient au fait que l’Etat ne fournit pas suffisamment de moyens à la justice pour lui permettre de fonctionner normalement. Selon le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, la durée moyenne d’une affaire civile en première instance en France est de 420 jours, contre 219 jours en Allemagne, 206 jours au Danemark et 146 jours en République tchèque. La moyenne européenne étant de 201 jours.

La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme en raison de la durée excessive des procédures judiciaires, sur le fondement de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce texte dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable » (par exemple, CEDH, 12 mai 2022, Tabouret c. France, requête n° 43078/15).

Mettre en jeu la responsabilité de l’Etat

Les principales victimes de cette incurie sont les justiciables, qui subissent des procédures d’une durée excessivement longue, quand ils ne renoncent pas tout simplement à faire valoir leur droit. C’est pourquoi de plus en plus de justiciables victimes de ces délais à rallonge engagent une procédure encore méconnue et trop peu mise en œuvre : celle visant à mettre en jeu la responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice.

Le contentieux – qui relève de la compétence du tribunal judiciaire – vise à obtenir une indemnisation réparant le préjudice causé par les délais anormalement longs d’une procédure, qu’elle soit judiciaire, administrative ou pénale. Il est ouvert à tous les justiciables, même à ceux n’ayant pas été initiateurs de la procédure subie.

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Le montant de l’indemnisation allouée varie en fonction de la durée totale de la procédure au titre de laquelle le justiciable demande réparation. Concrètement, les juges se basent sur un barème référentiel pour apprécier les retards accumulés entre chaque étape de la procédure par rapport aux délais « acceptables » auxquels le justiciable pouvait raisonnablement s’attendre. Etant précisé que les retards causés par le comportement des parties ne sont pas pris en compte.

Allouer davantage de moyens à la justice

A titre d’exemple, en matière prud’homale, les juges estiment qu’est raisonnable un délai de trois mois entre la saisine de la juridiction et la première audience dite de conciliation. Chaque mois de retard est indemnisé – en moyenne – entre 150 et 250 euros. A cela s’ajoute généralement la condamnation au titre de tout ou partie des frais de procédure – y compris les frais d’avocat. En pratique, nombre de contentieux mettant en jeu de la responsabilité de l’Etat se soldent par des accords amiables, car, lorsqu’ils sont bien menés, la faute de l’Etat est presque systématiquement retenue.

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