
Appuyé à la cloison de l’enclos, Asato déguste un rameau de charme, tranquille. A 34 ans, le grand dos argenté du zoo de Beauval (Loir-et-Cher) ne souffre d’aucune rivalité. A lui, les premières rations alimentaires. A lui aussi, le monopole de la reproduction. Les six autres mâles de la serre des gorilles du plus grand parc animalier d’Europe (35 000 animaux, 800 espèces) n’ont pas leur mot à dire. Les quatre femelles non plus. Pas loin de lui, Sheila, 38 ans, et son dernier-né attendent qu’il ait terminé son repas. Sheila, sa favorite parmi les quatre femelles de son « harem », dispose de quelques privilèges. Mais même elle ne se risquerait pas à épouiller le dos argenté. « On ne touche pas un roi », note à voix basse Delphine Leroux, directrice adjointe animalière du parc, qui œuvre auprès des primates depuis vingt-cinq ans.
Avec ses 190 kilos et sa force herculéenne, Asato n’éprouve aucun mal à faire régner l’ordre sur des femelles deux fois plus légères. « Mais, une ou deux fois par an, elles se rebellent, précise Delphine Leroux. Elles lui bloquent le tunnel d’accès à l’enclos où les gorilles dorment et se reposent, à l’abri du regard des visiteurs. Cela peut durer vingt-quatre heures. Pourquoi ? On ne sait pas, mais Asato s’incline. » Pas de quoi remettre en question la dominance masculine chez les gorilles des plaines de l’Ouest. Simplement, le constat invite à prendre garde aux généralisations hâtives.
Dans la même serre trottent des patas. Célèbres pour leurs pointes de vitesse à 50 km/h et leurs testicules bleus, ces cercopithèques africains n’ont pas grand-chose en commun avec leurs massifs voisins. Une dizaine de kilos sur la balance, une silhouette élancée et un pelage roux qui rappelleraient plutôt le guépard, les patas présentent une autre particularité : chez eux, ce sont les femelles qui dominent. Les mâles y conservent un rôle de protecteur et peuvent parfois se dresser face au danger. Mais, pour le reste – reproduction, alimentation, gestion des conflits et conduite de la troupe pendant les déplacements –, le pouvoir est féminin. « Cette serre, à elle seule, le montre : la soi-disant dominance des mâles chez les primates est un mythe. Il n’y a que les hommes pour inventer ça. »
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