« La Fiat », le constructeur italien qui n’est plus que l’ombre de lui-même après sa dilution dans Stellantis

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Une Fiat 500 « La Prima », chez un concessionnaire automobile de Turin, le 14 juillet 2020.

L’adresse du local syndical se trouve au numéro 351 du boulevard de l’Union soviétique, à Turin (Italie). A cette hauteur de l’artère baptisée en l’honneur d’un géant qui n’existe plus, on aperçoit un morceau de ce qui fut le cœur battant d’un empire lui aussi disparu : le coin du bâtiment historique de « la Fiat », avec sa silhouette moderniste et ses fantômes. Aujourd’hui, dans la grisaille turinoise, le grand palais qui servait d’entrée à l’usine historique de Mirafiori est vide et ses fenêtres sont aveugles.

Pourtant, au 351, boulevard de l’Union soviétique, dans la salle de réunion de la section locale du syndicat FIOM-CGIL, décorée de photographies de luttes menées dans un passé lointain, lorsque Giacomo Zulianello parle de l’entreprise où il est entré en 1996, il tend toujours le bras dans la direction du grand paquebot échoué. « Fiat était tout, dans cette ville. Et puis il y a eu ce lent désengagement… Ils le présentent comme si c’était le fruit du destin, mais c’est le résultat d’un choix, d’un abandon voulu », juge avec amertume l’ouvrier de 58 ans, dans la moyenne d’âge du site, où l’on incite les salariés à partir d’eux-mêmes avec des indemnités astronomiques au regard des salaires qu’ils touchent.

Depuis le mois de septembre, M. Zulianello et les quelque 3 200 autres employés de Mirafiori sont au chômage technique, avec peu d’espoir de travailler de nouveau à temps plein. L’automobile va mal. Et l’ouvrier carrossier est l’un des milliers de visages de la crise qui s’abat sur le secteur dans toute l’Europe. La demande de véhicules a chuté ; les voitures électriques, comme la version à batteries de la Fiat 500 encore produite au ralenti à Turin, se vendent mal. Les constructeurs veulent soigner leurs marges et peinent à se conformer aux réglementations européennes censées aboutir à l’abandon des moteurs thermiques en 2035.

De jour en jour, de Volkswagen à Ford, en passant par Bosch et Valeo, les annonces portant sur des suppressions de milliers de postes se succèdent en Europe. Stellantis, l’employeur de M. Zulianello, est le dépositaire de l’héritage de Fiat, mais le nom glorieux de l’ancien fleuron national italien n’est plus qu’une des quatorze marques qu’il détient aux côtés de Maserati, Peugeot, Chrysler ou Opel.

Son directeur général, Carlos Tavares, en conflit permanent avec Rome, l’homme qui a orchestré l’accélération de la dilution de Fiat dans la mondialisation automobile, a finalement été poussé à la démission, dimanche 1er décembre. Seul constructeur hors luxe encore en activité dans le pays, le groupe y laisse sa production s’étioler, provoquant la colère d’un gouvernement italien qui n’a plus prise sur lui. Son président, John Elkann, est pourtant l’héritier en ligne directe des Agnelli, la dynastie des fondateurs. Si ses ancêtres faisaient figure de famille royale dans l’Italie républicaine, lui n’a pas daigné descendre « à la capitale » lorsque la représentation nationale l’a invité à être auditionné sur l’avenir de Stellantis en Italie. Après le départ de M. Tavares, il doit assurer la transition.

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