Trois mois plus tard, la porte de l’appartement 228, au rez-de-chaussée d’un immeuble moderne et sans charme d’une allée privée d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), est toujours condamnée par de grands panneaux de bois. Un feuillet orange y est placardé avec du gros scotch rouge portant les mots « police nationale » et « ne pas ouvrir ». Sur le feuillet, on lit : « Nature de l’infraction : traite des êtres humains en bande organisée, viols et autres. » C’est là, dans ce petit deux-pièces obscur désormais sous scellés, que Gregorian Bivolaru a été arrêté le 28 novembre au petit matin.
Voilà six ans que ce Roumain de 71 ans, dont la notice rouge figure toujours sur le site d’Interpol, était recherché par les autorités finlandaises. Et un an et demi que la justice française avait reçu un signalement de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), destinataire de plusieurs témoignages de femmes se disant victimes du fondateur du Mouvement pour l’intégration spirituelle dans l’absolu (MISA). Cette école de yoga, selon elles, serait devenue, au fil des années et de l’aura grandissante de son leader spirituel, le moyen pour lui d’obtenir des faveurs sexuelles de jeunes femmes sous emprise.
L’arrestation de Gregorian Bivolaru, chez qui plus de 300 000 euros en espèces ont été retrouvés, est l’une des huit opérations menées simultanément ce matin de novembre 2023 par 175 policiers, dans huit lieux occupés par des membres du MISA : deux dans le 13e arrondissement de Paris, les autres à Villiers-sur-Marne, Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), Vigneux-sur-Seine (Essonne), Buthiers (Seine-et-Marne), et Berre-les-Alpes (Alpes-Maritimes).
Enquête « hors norme »
Bilan de ce vaste coup de filet : 41 personnes interpellées, dont quinze – onze hommes et quatre femmes, tous de nationalité roumaine – ont été mises en examen pour « traite des êtres humains », « séquestration » et « abus de faiblesse », le tout en bande organisée. Des six mis en examen placés en détention provisoire, Gregorian Bivolaru est le seul poursuivi aussi pour « viols » – quatre autres le sont pour « complicité de viols ».
Sur les huit lieux d’intervention, les policiers ont trouvé 58 femmes – 51 de nationalité roumaine, aucune Française – « hébergées dans des conditions pénibles, avec une promiscuité importante, aucune intimité », raconte Franck Dannerolle, chef de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), chargé de cette enquête « hors norme ». Certaines, en région parisienne, attendaient de rencontrer Gregorian Bivolaru, un honneur suprême au sein du mouvement. « De notre point de vue, ces 58 femmes sont des victimes », dit M. Dannerolle. Aucune n’a porté plainte.
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