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Histoire d’une notion. La démocratie chrétienne fait son retour au cœur de l’actualité politique européenne. Outre la nomination à Matignon du centriste François Bayrou, qui en revendique l’héritage, l’alliance menée par l’Union chrétienne-démocrate (CDU) s’affiche en favorite des législatives allemandes du 23 février, se posant en défenseuse d’un christianisme comme « culture de référence », selon le programme de ce parti libéral-conservateur.
L’étiquette semble fédérer un large éventail de sensibilités politiques. En 2018, sur les ondes de la radio publique locale, le nationaliste hongrois Viktor Orban prônait, lui aussi, « une démocratie chrétienne à l’ancienne, dont les racines plongent dans la tradition européenne ».
Mais que signifie vraiment ce terme ? La démocratie chrétienne apparaît, dès ses premiers pas au XIXe siècle, comme le fruit d’une tension entre forces contraires. A l’époque, les catholiques non monarchistes sont divisés entre libéraux et « intransigeants », qui « refusent l’individualisme libéral et l’Etat centralisé » et aspirent à « une société organique, fondée sur les corps et les associations », selon l’historien Jean-Marie Mayeur (Des partis catholiques à la démocratie chrétienne, Armand Colin, 1980). La démocratie chrétienne naît d’une « rencontre » entre ces courants, qui partagent la volonté d’insuffler un souffle chrétien dans nos sociétés, sans pour autant revenir à une monarchie de droit divin.
Le mouvement se cristallise en 1848, avec la création de la revue française L’Ere nouvelle, autour de laquelle gravitent des personnalités comme l’essayiste Frédéric Ozanam, les abbés Henry Maret ou Henri-Dominique Lacordaire, qui défendent, contre le Vatican, la compatibilité de l’idéal démocratique et de la foi catholique. L’historien Jean-Baptiste Duroselle parle de « première démocratie chrétienne », dont l’élan sera brisé – du moins en France – par l’Empire de Napoléon III (1852-1870) et la guerre avec la Prusse.
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