
Gabriel a 7 ans. Il dit et répète qu’il subit des violences physiques quotidiennes de la part de sa mère. Coups, griffures, morsures, hématomes sont visibles, constatés par le corps enseignant de son école, et par les éducateurs qui suivent la situation familiale dans le cadre d’une mesure d’« AEMO » (Action éducative en milieu ouvert). Seul d’une fratrie nombreuse à ne pas être bridé dans son discours, il se fait porteur de la souffrance subie au domicile, et muselée par la loi parentale du silence.
Son appel de détresse est entendu, pris au sérieux. Gabriel va être reçu, tout comme le reste de sa famille, par le juge des enfants. Différentes mesures sont prises, des exigences sont formulées à la famille, des expertises sont mandatées, le suivi en AEMO est maintenu, sous conditions. Mais la situation ne s’arrange pas pour autant. Fuite en avant de la famille, expertise désastreuse qui confirme que les enfants sont en danger et continuent de dénoncer les violences, que le rappel à la loi n’a pas permis d’endiguer.
Malgré cela, alors que tous les signaux d’alertes sont écarlates, que tous les professionnels sont convaincus que ces enfants vivent un insupportable calvaire quotidien, ils ne sont pas protégés de leurs bourreaux parentaux. Le petit Gabriel, qui a osé parler, qui a bravé le secret familial, ne peut dès lors qu’être réduit au silence. Mais posons-nous la bonne question : qui impose ce mutisme collectif ? Quels sont les effets pour Gabriel, ses frères et sœurs, les professionnels qui sont censés les protéger ?
Honte
De par ses choix et ses priorisations, l’Etat est, à ce jour, pleinement responsable de ce type de situations. C’est tout le système sociétal qui devrait subir la honte que nous ressentons, nous les accompagnants qui les suivons dans des services tels que l’AEMO, face à l’impossibilité de protéger ces mineurs.
La démission de l’Etat dans ses missions sociales, mais également dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la protection des mineurs, est un scandale qui ne viendra marquer les esprits et faire réagir qu’en cas de drame. Faut-il attendre que le petit Gabriel succombe sous les coups pour que l’émotion nationale fasse bouger les lignes ?
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