En cherchant à relancer quoi qu’il en coûte le nucléaire, la France ne rate pas seulement une occasion historique d’une transition rapide et moins coûteuse vers les énergies renouvelables et la décarbonation. Elle affaiblit l’ambition climatique de l’Union européenne (UE).
La réintégration de la production nucléaire actuelle en Europe – 6 % de son énergie finale – dans l’objectif de 42,5 % d’énergies renouvelables fixé par la directive RED III [Renewable Energy Directive III] créerait un artifice comptable et entraînerait un flou stratégique dans un domaine qui a pourtant besoin de vision à long terme.
Le gouvernement français mène une croisade pour réhabiliter le nucléaire : c’est selon lui la seule énergie décarbonée « pilotable », une caractéristique qu’il juge indispensable pour gérer les réseaux électriques. Cela en omettant que la décarbonation peut être obtenue, comme la majorité des pays de l’UE l’envisagent, par la combinaison de plusieurs énergies renouvelables et de moyens de flexibilité et de stockage. Il réclame que l’UE assigne aux pays membres des objectifs d’énergie bas carbone, et non des objectifs d’énergies renouvelables comme elle l’a fait jusqu’à maintenant.
Manière forte, sans transparence
Quoi qu’on pense du nucléaire, le dossier paraît plaidable. Et le gouvernement français a même obtenu un premier succès, limité à la production d’hydrogène, dont il s’est bruyamment félicité. Il voudrait maintenant voir ce succès généralisé à l’ensemble des vecteurs énergétiques. Cependant, la méthode qu’il emploie pour parvenir à ses fins risque à la fois d’indisposer fortement nos partenaires, de nuire aux acteurs français des filières du renouvelable et du stockage, et d’affaiblir la lutte contre le dérèglement climatique.
Le gouvernement n’ouvre pas un questionnement pour l’avenir, il le fait à chaud, au milieu du gué, et par la manière forte et sans transparence. A croire que le nucléaire vaut bien d’affaiblir encore le consensus européen, dont le président de la République affirme pourtant qu’il constitue son ADN.
Tout d’abord, il refuse de régulariser la situation de la France, seul pays membre à n’avoir toujours pas atteint son objectif de 23 % d’énergies renouvelables pour 2020 (et les années suivantes), en achetant à d’autres pays membres les « transferts statistiques » nécessaires – c’est-à-dire leurs quotas d’énergies renouvelables. Il tourne ainsi le dos aux engagements pris par la France en décembre 2009 par le président Nicolas Sarkozy et son premier ministre François Fillon.
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