« La découverte de Lucy est une œuvre collective »

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En décembre 1968, Raymonde Bonnefille explore la région de Mille, en Ethiopie, où sera découvert, en 1974, le squelette de Lucy.

L’australopithèque Lucy a été découverte il y a un demi-siècle, le 24 novembre 1974, dans le nord-est de l’Ethiopie, dans l’Afar, une région qui fait face à Djibouti. Avec ses 47 ossements constituant 40 % du squelette, ce fossile vieux de 3,2 millions d’années, représentant initial de l’espèce Australopithecus afarensis, est devenu une icône de la paléoanthropologie. Lucy a été popularisée en France par le paléontologue Yves Coppens (1934-2022) qui, avec le géologue Maurice Taieb (1935-2021) et l’anthropologue américain Donald Johanson, avait cofondé, en 1972, l’expédition internationale dans l’Afar (IARE) responsable de sa découverte.

Après une prospection en 1972, des fouilles avaient été entamées en 1973, conduisant à la prometteuse mise au jour d’un genou suggérant une bipédie. Mais c’est l’année suivante que Donald Johanson et Tom Gray, l’étudiant qui l’accompagnait, ont trouvé Lucy. Yves Coppens n’était pas sur le terrain à ce moment précis, mais, en tant que cofondateur de l’IARE, il a partagé, comme convenu, la paternité de la découverte avec son jeune collègue américain.

Ces têtes d’affiche ont éclipsé les autres acteurs de la découverte. C’est le cas de la géologue et palynologue Raymonde Bonnefille, qui fut l’une des rares femmes à avoir participé à ces excursions. Dès 1968, la chercheuse au CNRS avait participé aux expéditions – française puis américaine – dans la basse vallée de l’Omo, dans le sud de l’Ethiopie, sous la direction d’Yves Coppens et de son homologue américain Clark Howell (1925-2007).

Elle avait aussi accompagné Maurice Taieb dans une première prospection dans la région de l’Afar, à proximité de l’endroit où Lucy allait être découverte. C’est elle qui a présenté au géologue français, son compagnon d’alors, Donald Johanson, jetant les bases d’un réseau de « jeunes scientifiques aventureux, très audacieux, voire téméraires », comme elle le raconte dans le magazine Pour la science de novembre, mais aussi dans son passionnant Sur les pas de Lucy. Expéditions en Ethiopie (Odile Jacob, 2018). Aujourd’hui âgée de 87 ans, toujours active sur le plan scientifique, elle revient sur les circonstances qui ont conduit à la découverte de Lucy.

Comment s’est passé pour vous ce dimanche 24 novembre 1974, le jour où Lucy a été découverte ?

J’étais arrivée sur le terrain deux jours plus tôt dans le petit avion de Richard Leakey, avec sa famille [de célèbres paléoanthropologues anglo-kenyans]. Ils avaient été invités par Donald Johanson et étaient très intrigués par l’abondance de mâchoires d’homininés qui avaient déjà été trouvées lors de premières semaines de fouilles. Mon collaborateur Guy Riollet devait nous rejoindre en véhicule tout-terrain depuis Addis-Abeba, mais comme il ne connaissait pas du tout le secteur, j’ai demandé à aller à sa rencontre au village, où la route se terminait. Maurice Taieb m’a demandé d’en profiter pour recruter un cuisinier, acheter de la farine et quelques provisions.

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