« Nous sommes argentins et argentines, et s’il y a un peuple qui sait piloter au travers des tempêtes, c’est bien nous. » Orgueil national, mythe de la résilience, et, bien sûr, métaphore aérienne : la vidéo publicitaire d’Aerolineas Argentinas déroule l’idée d’une entreprise aéronautique se confondant avec la population, appartenant à tous. En somme, une authentique compagnie publique. C’était en 2022. Deux ans plus tard, avec le président ultralibéral Javier Milei au pouvoir, l’horizon est radicalement différent.
Le 2 octobre, l’exécutif a publié un décret afin de lancer sans attendre les discussions parlementaires nécessaires à la privatisation d’Aerolineas Argentinas. Avant même son arrivée au pouvoir, en décembre 2023, Javier Milei prévenait : « Tout ce qui peut être entre les mains du secteur privé le sera. » Dans sa ligne de mire libertarienne : soixante entreprises publiques, au total, qui seraient, selon lui, mieux gérées par le secteur privé que par un Etat devant être réduit à la portion congrue.
« En 2023, seules sept entreprises publiques ont obtenu des bénéfices », relève le décret présidentiel. Celui-ci dénonce le « surdimensionnement » en matière de personnel, notamment de pilotes, d’Aerolineas Argentinas, ainsi que les 8 milliards de dollars (7,3 milliards d’euros) que l’Etat a dû lui verser depuis sa nationalisation en 2008, en raison de son « déficit chronique ». Pour justifier son dessein, le gouvernement met notamment en avant les chiffres record de la pauvreté (52,9 % de la population), en progression de onze points depuis son arrivée au pouvoir : « L’Etat doit destiner ses moyens budgétaires limités aux besoins de ceux qui sont le plus défavorisés. »
« Mais Aerolineas Argentinas est un outil stratégique pour un gouvernement et elle accomplit une mission de service public ! », réagit Carlos Figueroa, ancien directeur de la communication de l’entreprise (2019-2023). « L’Argentine est le huitième plus grand pays au monde [sa superficie représente cinq fois la France], sans sa compagnie porte-drapeau et des liaisons certes peu avantageuses commercialement, des régions entières seraient déconnectées », poursuit l’ancien porte-parole, alors que le pays ne peut pas compter sur un solide réseau ferroviaire, démantelé pendant les libérales années 1990. « Et puis, il faut aussi souligner les recettes fiscales ainsi que l’entrée de devises étrangères que génère l’achat de billets », argumente M. Figueroa. « La stratégie de rationalisation des entreprises publiques ne doit pas se réduire à une privatisation », renchérit l’économiste Nicolas Gadano, le 21 septembre, cité par le quotidien Clarin.
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