Longtemps, les partisans d’un libre-échangisme sans entrave ont dominé au sein de l’Union européenne (UE). Mais l’élection de Donald Trump, la montée en puissance de la Chine, la pandémie de Covid-19 ou encore la guerre en Ukraine ont fait bouger les lignes ces dernières années. Aujourd’hui, dans ses relations économiques avec l’extérieur, et tout particulièrement avec Pékin mais aussi Washington, l’UE cherche un équilibre subtil : être moins naïve, réduire ses dépendances, se protéger mieux tout en restant un continent ouvert.
Les initiatives qu’a présentées la Commission européenne, mercredi 24 janvier, au nom de « la sécurité économique », s’inscrivent dans cette logique, même si elles sont nettement moins ambitieuses que ne le souhaitait l’exécutif communautaire en juin 2023. Sa présidente, Ursula von der Leyen, avait en effet évoqué la nécessité d’un contrôle renforcé des investissements étrangers au sein de l’UE et des exportations de biens sensibles hors des frontières communautaires, afin d’éviter que ses technologies sensibles ou infrastructures critiques ne tombent entre des mains peu amicales, comme celles de la Chine ou de la Russie. Elle avait également milité pour la mise en place d’un contrôle des investissements des entreprises européennes dans des pays tiers qui faciliteraient des fuites de technologies.
Face à la levée de boucliers des Etats membres qui en redoutaient les conséquences et jugeaient qu’avec cette proposition, l’ex-ministre d’Angela Merkel empiétait sur leurs compétences, la Commission a finalement modéré ses ardeurs. Plusieurs capitales avaient aussi soupçonné la très transatlantique Ursula von der Leyen de vouloir donner des gages aux Etats-Unis.
Intelligence artificielle et semi-conducteurs
Afin d’éviter une « guerre de territoire » avec les Vingt-Sept, a expliqué la vice-présidente de l’exécutif communautaire, Margrethe Vestager, c’est une « approche graduelle » qui a été choisie. In fine, la seule proposition législative qu’a mise sur la table la Commission concerne le renforcement du contrôle des investissements étrangers en Europe, mis en place en 2020. En vertu de celui-ci, les Etats membres, dotés d’un mécanisme de contrôle des investissements étrangers, doivent signaler à la Commission et aux autres pays européens les projets en cours susceptibles de poser des questions.
La Commission souhaite que « tous les Etats membres disposent d’un mécanisme de contrôle » des investissements étrangers, alors qu’aujourd’hui quatre pays en sont dépourvus : la Croatie, Chypre, la Bulgarie et la Grèce. L’Irlande n’en est pas non plus dotée mais elle a prévu d’y remédier cette année. Par ailleurs, elle milite pour « un champ d’application sectoriel minimum », qui pourrait concerner l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs les plus sophistiqués, la biotech et l’informatique quantique. Enfin le contrôle devra s’appliquer aussi aux investissements inter UE, quand l’investisseur est détenu par des capitaux de pays tiers. La portée de ce texte reste cependant limitée : la Commission n’a aucun pouvoir pour bloquer un investissement, le dernier mot revenant aux Etats membres.