« Je n’ai pu voir ma fille que deux heures en août »

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Chez Clémentine Hubert, éducatrice spécialisée de 34 ans, à Annecy.

La chambre de Rebecca pourrait être une publicité pour la parentalité. Dans ce pavillon de Vigneux-sur-Seine (Essonne), c’est un petit espace où trônent un tipi en tissu, une chaise en rotin et une bibliothèque remplie d’imagiers sonores. Si pas une page n’est déchirée, c’est que du haut de ses 2 ans et demi, Rebecca n’a passé que quelques jours dans cette chambre, prête depuis sa naissance. « Elle peut arriver dans une heure, tout est prêt », explique Elise, 50 ans.

Cette formatrice d’enseignants fait défiler les vidéos de la fillette, là au parc, ici à la ferme pédagogique. Lors de ces rares sorties ensemble, Elise se fait accompagner par un proche missionné pour prendre des photos et des vidéos à destination du juge. Elise est ce que l’on appelle une « mère sociale » puisque c’est son ex-épouse, Audrey, qui a porté Rebecca. Les deux femmes se sont rencontrées sur Meetic en 2016 et tout s’est enchaîné : l’achat d’une maison et un mariage organisé entre les rendez-vous de procréation médicalement assistée (PMA), en France, puis en Belgique, jusqu’à ce que le test de grossesse affiche positif.

A l’époque, Elise accepte une mutation à Toulouse et part préparer le nid de sa petite famille, persuadée que son épouse l’y rejoindra en fin de grossesse, comme prévu. Mais un mois avant l’accouchement, Audrey annonce à Elise par e-mail qu’elle ne viendra pas et qu’elle demande le divorce. Le 24 avril 2022, Audrey a donné naissance à Rebecca, seule. « C’est là que le cauchemar a commencé, poursuit Elise. Je n’ai pu voir ma fille que deux heures, en août, sur son lieu de vacances, quatre mois après sa naissance. »

« Un parcours du combattant »

Pourtant, en théorie, la loi protège les femmes comme Elise. La loi de bioéthique du 2 août 2021 élargit l’accès à la PMA, et donc à la parentalité, aux couples de femmes. Le 21 février 2022, la loi Limon ajoute la possibilité, pendant trois ans, de forcer l’adoption par la mère sociale en cas de séparation conflictuelle. Problème, cette possibilité ne s’applique qu’aux couples ayant eu recours à une PMA à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi de bioéthique. Or, la petite Rebecca a été conçue en Belgique douze jours après que la loi les autorise à le faire légalement en France. Elise est donc sans droits : « Cette loi n’a pas été pensée dans les détails. Or, les détails, ce sont nos vies. Ce qui ressort de tout ça, c’est que c’est encore la filiation biologique qui prime. »

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