Kyiv, le 15 octobre 2025
Chères lectrices, chers lecteurs,
Nous sommes revenus de nos vacances dans les Carpates. Comme d’habitude, le trajet du retour a été stressant. Je n’arrêtais pas de surfer sur Telegram pour avoir une idée des attaques potentielles et écouter les déclarations des forces armées. Enormément de drones ciblent les trains de nuit… Une fois à Kyiv [Kiev en ukrainien], la joie de nos retrouvailles avec Dima, le père de Marian, a été très vite interrompue par une grosse attaque de drones et de missiles.
A 4 heures, j’ai été réveillée par une forte explosion et, pendant que je sortais Marian du lit et courais dans le couloir, j’ai vu Dima sortir calmement de la pièce où il travaille la nuit. Manifestement, après quelques jours de pause loin de toute cette horreur, mon système nerveux n’était plus adapté à de telles situations : on s’habitue si vite au calme.
Dima a pris Marian et m’a attendue avec lui dans l’entrée. En trois minutes, j’ai enfilé deux pantalons et deux pulls, j’ai embarqué mes outils de travail avec chargeurs (on ne sait jamais, si on devait partir), deux bananes et un paquet de cacahuètes. J’ai tout fourré dans mon sac à dos, qui reste toujours dans l’entrée avec les papiers de la famille, de l’argent et quelques bijoux. Poussette, couvertures chaudes, doudounes. On a filé au rez-de-chaussée de notre immeuble.
Il faut vous imaginer que ces trois minutes de préparation ont été accompagnées du sifflement caractéristique des drones. Et des tirs de la défense antiaérienne, dont certains sont éloignés et d’autres très proches. En plus des missiles antiaériens, il y a des groupes mobiles dans les rues, j’en ai déjà aperçu. Ce sont des hommes, parfois des femmes, armés de mitrailleuses de gros calibre, de canons antiaériens ou de systèmes portables de missiles sol-air, le plus souvent sur des pick-up. Je vous décris ce qui se passe autour de chez moi la nuit, et je me rends bien compte qu’on dirait un film d’action postapocalyptique. En plus, ces pick-up sont équipés de très grands projecteurs pour éclairer leur cible – ce qui donne à l’ensemble des détails très cinématographiques.
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