« Israël, ex-URSS, Afrique… Ce sont des conflits anciens qui ont repris en 2023 »

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Pierre Grosser dans les locaux de Science Po, à Paris, le 15 novembre 2023.

Ancien directeur des études de l’Institut diplomatique du ministère des affaires étrangères en France, Pierre Grosser concentre ses recherches sur les questions de sécurité et défense et les enjeux contemporains. Seconde guerre mondiale, colonialisme et guerre froide figurent parmi ses spécialités, sans oublier la paix et l’Asie contemporaine, où il a longuement séjourné.

Ukraine, Caucase, Sahel, Gaza… que signifie cette prolifération de conflictualités ?

Les études quantitatives montrent, en effet, une augmentation du nombre de conflits depuis au moins trois ans. Le précédent pic remontait au début des années 1990. D’où l’hypothèse possible que cette augmentation soit liée aujourd’hui au relâchement du corset de l’unipolarité (un monde où une puissance l’emporte nettement sur les autres), comme celle d’il y a trente ans aurait résulté du relâchement du corset de la bipolarité. L’image du corset est d’ailleurs à nuancer, puisque la bipolarité de la guerre froide comme l’unipolarité de l’après-guerre froide ont aussi exacerbé les conflits.

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La question est de savoir si l’échec des interventions lointaines au nom de la lutte antiterroriste (les Etats-Unis évacuant l’Afghanistan en 2021 et les Français plusieurs pays du Sahel en 2022-2023) a été perçu comme une opportunité de lancer ou de relancer des guerres. Il est difficile de prouver que Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine parce qu’il a vu les Américains quitter plus précipitamment l’Afghanistan que l’Union soviétique en 1989. De même, il est difficile de prouver que l’Azerbaïdjan a lancé son offensive contre le Haut-Karabakh, et le Hamas contre Israël, en estimant que les Etats-Unis sont concentrés sur la guerre en Ukraine. Voire que la Russie attise les désordres, des Balkans jusqu’en Afrique, pour détourner l’attention.

Ce qui est frappant surtout, c’est que ce sont des conflits anciens, parfois jugés insolubles, et seulement « gelés » qui ont repris. C’est le cas à la périphérie de l’ex-URSS, voire potentiellement en ex-Yougoslavie, avec les situations non réglées des années 1990. Les tensions dans l’est de la République démocratique du Congo n’ont jamais pris fin depuis les terribles guerres de 1998-2003. Dans la Corne de l’Afrique, les questions « nationales » et du fédéralisme éthiopien sont permanentes depuis les années 1980. Il en est de même au Soudan. La naissance de nouveaux Etats, Erythrée et Sud-Soudan, exceptionnelle en Afrique, n’a pas créé miraculeusement la paix. Au Mali, la question touareg existe depuis l’indépendance, et le défi islamiste depuis la guerre civile en Algérie dans les années 1990.

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