
Par-delà les mises en cause et les responsabilités individuelles de certains protagonistes d’une affaire comme celle de Notre-Dame de Bétharram, qui doivent être établies et sanctionnées comme il se doit, il convient de prendre la mesure de la pesanteur des contextes historiques et de leurs évolutions, plus lentes et incertaines qu’on le croit, au sujet de la question des violences physiques commises par des enseignants. Du moins si l’on veut en tirer une leçon.
Les représentations en miroir des écoles d’Eglise et de la mise en place de l’école républicaine et laïque, ainsi que les règles édictées, les pratiques effectives et la jurisprudence y ont leurs parts, complexes voire compliquées. Les deux corps enseignants d’élite issus de la Contre-Réforme catholique sous l’Ancien Régime – les jésuites pour les fils de famille, les frères des écoles chrétiennes pour les enfants du peuple – utilisent encore tout à fait officiellement et méthodiquement les punitions corporelles au XIXe siècle : le fouet, dont la version familiale devient le martinet, la férule, la mise à genoux sur une bûche. Le livre modèle de la pédagogie des frères, la Conduite des écoles chrétiennes [écrit par Jean-Baptiste de La Salle, paru en 1706], dresse ainsi minutieusement le mode d’emploi de la férule.
Changement de cap avec la mise en place de l’école républicaine et laïque. En 1888, une commission dans laquelle se retrouvent la plupart de ses personnalités fondatrices est installée afin de promouvoir une discipline républicaine qui ne forme pas à l’obéissance à tout prix. Il s’agit, nous en dit le rapport, de former des « citoyens » et non des « sujets » : « Non pas faire craindre la règle, mais la faire respecter et aimer. Fin des pénalités n’ayant pour but que d’exercer des représailles, d’infliger une souffrance en retour d’une infraction au règlement. (…) Fin des vieilles pénalités physiques, arrêts et séquestres. »
« Sévices coupables »
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