
L’annonce du premier ministre, par voie de presse, de la tenue de « conventions citoyennes décentralisées » sur l’identité française constitue une très mauvaise nouvelle pour la démocratie. On devrait pourtant se réjouir que la parole soit enfin donnée aux Français sur un sujet que la droite et l’extrême droite ont fini par imposer sur l’agenda médiatique. Mais cette annonce n’est que le reflet tragique de l’isolement grandissant des professionnels de la politique qui gouvernent aujourd’hui. Elle signale un amateurisme, un dilettantisme et un cynisme vis-à-vis de la participation citoyenne qui nous ramènent pas moins de vingt années en arrière.
L’amateurisme, d’abord. Alors même que l’on ne connaît pas encore ce que sera l’issue des propositions faites par la convention citoyenne sur la fin de vie, cette annonce témoigne d’une méconnaissance absolue de ce qu’est la participation citoyenne. Ces « conventions citoyennes décentralisées » ne renvoient à aucun dispositif précis, à aucun objectif clair, à aucune temporalité décisionnelle ou législative. Tout porte à croire qu’il s’agit là d’une énième instrumentalisation gouvernementale de la participation citoyenne aux seules fins de sa communication.
Combien de fois a-t-on vu de telles annonces n’avoir d’autre effet que de confier à une poignée de prestataires professionnels l’organisation d’événements sans conséquence politique aucune ? A l’image du grand débat national, de la consultation sur les retraites, du Conseil national de la refondation, des dispositifs seront produits, des échanges auront lieu et rassembleront des participants. Ils seront commentés, susciteront parfois de l’espoir, mais n’auront aucun effet sur une quelconque décision. On ne joue pas ainsi avec la participation citoyenne.
Le dilettantisme démocratique, ensuite. Alors que depuis plusieurs années les débats militants et intellectuels ont pointé les limites d’une participation conçue de façon descendante et définie selon le seul agenda des gouvernants, ces derniers semblent tout ignorer de ce que les citoyens attendent et réclament. Alors que des collectifs citoyens s’acharnent à travers tout le pays à rouvrir les cahiers de doléances rédigés au moment du grand débat, ils demeurent largement ignorés par les gouvernements successifs.
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