« Il est impensable, 130 ans après l’affaire, de laisser la statue d’Alfred Dreyfus dans l’oubli »

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Il y a cent trente ans, à quelques jours près, le capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935) subissait l’humiliation de la dégradation militaire. Ce 5 janvier 1895, l’injustice triomphait.

Ce geste ignoble, qui marqua l’un des points culminants de l’affaire Dreyfus, se trouve désormais cristallisé dans une statue commandée par le ministère de la culture en 1985. L’œuvre de l’artiste Tim (1919-2002), figée dans un instant infamant, montre ainsi le capitaine tenant son sabre brisé devant son visage, souvenir douloureux de ce moment où son honneur fut anéanti.

Au moment de sa création, la statue devait rappeler ce passé qui ne doit jamais se laisser effacer. Le ministre Jack Lang souhaitait la placer dans la cour de l’Ecole militaire, où eut lieu la dégradation, mais le ministre de la défense, Charles Hernu (1923-1990), s’y était opposé, arguant que cette cour n’était pas accessible au public.

Le président François Mitterrand n’y était également pas favorable et aurait tenu ces propos : « Il faut donner aux militaires un exemple, pas un remords. » La statue avait alors pris un chemin incertain, s’éloignant de son lieu originel et se réfugiant dans un coin anonyme, place Pierre-Lafue dans le 6arrondissement de Paris, bien loin des regards et de l’intensité symbolique que le destin de Dreyfus méritait.

Le transfert au sein de la cour de l’Ecole militaire avait été demandé en 2006 pour les 100 ans de la réhabilitation de Dreyfus par la Cour de cassation. Mais, cette fois-ci, le chef d’état-major des armées s’y était opposé. La statue d’Alfred Dreyfus est restée en exil, abandonnée dans un espace où sa voix ne pouvait résonner.

Un symbole

Car il ne s’agit pas là simplement d’une œuvre d’art, il ne s’agit pas simplement d’un hommage rendu à un homme, mais d’un symbole, un phare inaltérable de notre mémoire nationale. L’affaire Dreyfus n’était pas une banale erreur judiciaire mais une machination funeste, un complot ourdi par les plus hauts cadres de l’armée : le général Mercier (1833-1921), ministre de la guerre, le général de Boisdeffre (1839-1919), chef d’état-major des armées, et le général Gonse (1838-1917), sous-chef d’état-major.

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