
« On a la chance d’avoir pas mal de vidéos. » Avant de les diffuser dans une salle d’audience du tribunal judiciaire de Paris, ce 17 novembre, la juge se réjouissait presque, et pour cause : en matière de violences illégitimes imputées à des policiers, les images font ou défont les accusations. Mais rapidement, Peter B., l’une des victimes, aura l’occasion de résumer la problématique de ce procès : « On n’a pas dû voir le même film. »
Sur le banc des parties civiles, aux côtés de ce quadragénaire de quasiment deux mètres, flotte dans une chemise beige Moukran S., 71 ans, les yeux fatigués. Jamais leurs chemins ne se seraient croisés sans les tirs de lanceur de balles de défense (LBD) effectués ce 9 janvier 2020, à six minutes d’écart, par un même policier : Ludovic C., poursuivi pour violences volontaires avec armes par personne dépositaire de l’autorité publique.
Fait rare, les deux tirs ont été filmés – certaines vidéos avaient été révélées peu après par Le Monde. Ce jour-là, une mobilisation intersyndicale devait rallier la place de la République à la place Saint-Augustin. Ce n’est que tardivement, à l’approche de la gare Saint-Lazare, qu’apparaissent de premières tensions – pour des raisons qui échapperont à l’audience. Les forces de l’ordre scindent le cortège et tentent de faire avancer, coûte que coûte, le groupe de tête ainsi créé, pour ne pas freiner la progression de la manifestation.
Ludovic C. est l’un des quatre porteurs de LBD de son unité, la CSI 75, et effectue dans la journée onze tirs, sur les vingt dénombrés sur l’ensemble de la manifestation. Vers 16 heures, il croise la route de Moukran S.. Sur les images diffusées dans la salle d’audience, policiers et manifestants se font face dans une ambiance tendue. Interrogé, le septuagénaire dit se souvenir « d’une panique générale du côté des manifestants, face à une charge inconsidérée des forces de l’ordre ».
Matraque brisée
Lui voulait rejoindre des amis restés de l’autre côté de la scission créée par les forces de l’ordre, mais n’a à aucun moment porté un coup aux policiers, assure-t-il. Sur les images, le manifestant se retrouve à un moment au contact d’un policier, exécutant des gestes difficiles à interpréter dans la bousculade. C’est à ce moment que Ludovic C. décoche une cartouche.
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