Georges Ibrahim Abdallah voit l’examen de sa demande de libération conditionnelle par la justice reporté au 19 juin

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Georges Ibrahim Abdallah lors de son procès, au palais de justice de Lyon, le 3 juillet 1986.

Après quatre décennies derrière les barreaux, l’attente se prolonge pour Georges Ibrahim Abdallah. La cour d’appel de Paris a reporté, jeudi 20 février, sa décision sur la libération du militant propalestinien, condamné pour complicité d’assassinats de diplomates américain et israélien en France. Ajournant au 19 juin l’examen de la demande de libération conditionnelle de Georges Ibrahim Abdallah, la chambre de l’application des peines a estimé qu’« en l’état il n’est pas possible » d’y « faire droit ».

Elle a jugé « nécessaire » qu’il « s’acquitte à raison de ses facultés contributives des dommages et intérêts » qu’il doit verser aux parties civiles, selon un communiqué du parquet général. La cour a ainsi jugé « opportun d’ajourner la décision afin de permettre au condamné de justifier dans ce délai d’un effort conséquent d’indemnisation des parties civiles ».

Son avocat, Jean-Louis Chalanset, a dénoncé devant la presse « une mesquinerie juridique ». « Je n’ai jamais vu une décision dans ce sens-là, ils reçoivent la demande de libération conditionnelle, ils l’acceptent à la condition que, et ils nous redonnent quatre, cinq mois pour qu’il ait le temps de payer », a-t-il déclaré, parlant de « torture morale ».

« Ils admettent, mais ils veulent encore une fois céder aux Etats-Unis », a-t-il poursuivi, « or il a toujours dit, et moi avec, que jamais il n’indemnisera les Etats-Unis qui envoient les bombes sur les enfants palestiniens et libanais, c’est clair, c’est net, c’est précis ». Son client changera-t-il de position ? « C’est lui qui va décider », mais « il avait dit que si l’Etat libanais payait, il accepterait, donc je vais demander à l’Etat libanais de le faire », a ajouté Me Chalanset.

Arrêté en 1984 à Lyon, Georges Ibrahim Abdallah, fondateur des Forces armées révolutionnaires libanaises (FARL), un groupuscule marxiste antisioniste et anti-impérialiste libanais actif au début des années 1980, avait été condamné à la prison à perpétuité, en 1987, pour sa complicité dans l’assassinat de l’attaché militaire américain Charles R. Ray, à Paris en janvier 1982, puis dans celui de Yacov Barsimentov, un diplomate israélien, en avril de la même année. Il est libérable depuis vingt-cinq ans, mais a vu sa dizaine de demandes de libération conditionnelle échouer.

La préfecture de police a interdit des manifestations de soutien prévues mercredi soir en région parisienne, estimant qu’elles pourraient troubler l’ordre public, « dans le contexte social et international tendu ». A Toulouse, à une centaine de kilomètres de la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrenées), où Georges Abdallah est incarcéré, trois cents personnes ont manifesté pour réclamer la libération de celui qui compte parmi les plus anciens détenus du pays.

« Un symbole de la cause palestinienne »

Le 15 novembre, le tribunal d’application des peines antiterroriste lui avait donné une lueur d’espoir, en ordonnant sa remise en liberté avec expulsion immédiate au Liban, prêt à l’accueillir. Georges Abdallah est le « dernier vestige du groupuscule d’obédience laïque, marxiste, communiste des FARL », appartenant à « l’histoire, aujourd’hui révolue, de l’activisme violent de l’ultragauche » libanaise et palestinienne, qui n’est « à l’origine d’aucun attentat en France ni ailleurs depuis 1984 », écrivait le tribunal dans sa décision.

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Le Parquet national antiterroriste (PNAT) n’avait pas été du même avis et avait fait appel, suspendant aussitôt la décision. L’affaire avait été réexaminée par la cour d’appel de Paris le 19 décembre, en audience non publique.

Le PNAT avait justifié son refus en expliquant qu’il n’avait « pas évolué », que ses convictions étaient « restées intactes ». Georges Abdallah n’a jamais accepté d’indemniser les parties civiles. Et il a toujours nié être lié aux assassinats des deux diplomates à Paris en 1982, sans condamner des « actes de résistance » contre « l’oppression israélienne et américaine » en pleine guerre civile libanaise. Il « représente un symbole, voire un visage tutélaire de la cause palestinienne », s’était aussi inquiété le PNAT.

« Il représente surtout aujourd’hui le symbole d’un homme maintenu en détention depuis désormais plus de quarante ans, soit une période devenue disproportionnée au regard des faits commis et de sa dangerosité actuelle », avait rétorqué le tribunal dans sa décision.

Sa défense voit la main des Etats-Unis derrière ce maintien en prison. Partie civile au procès en 1987, le gouvernement américain a, depuis, systématiquement combattu sa remise en liberté. Avant l’audience devant la cour d’appel en décembre, les Etats-Unis avaient écrit aux magistrats pour s’y « opposer vigoureusement ».

Lire l’enquête (2024) | Article réservé à nos abonnés Georges Abdallah, prisonnier à vie de la « raison d’Etat »

Le Monde avec AFP

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