Icône de la magistrature, François Molins, 71 ans, a sans doute cru que sa parole pouvait emporter la conviction de la cour criminelle de Lyon. Cité comme témoin au procès du commissaire François Thierry, 56 ans, l’ancien procureur de la République de Paris a accablé l’ex-chef de l’Office central de lutte contre le trafic de stupéfiants, jugé pour le crime de faux en écriture publique par agent dépositaire de l’autorité publique.
Il l’a accusé « d’instrumentalisation », de « déloyauté », en clair d’avoir volontairement dissimulé les motifs de la garde à vue de Sophiane Hambli, informateur privilégié du commissaire, en avril 2012. La mesure était un habillage procédural, destiné à donner une apparence légale à l’extraction de l’informateur de sa prison pour le placer sous bonne garde dans une chambre d’hôtel, avec pour seul but d’obtenir des informations sur une importation imminente de cannabis depuis l’Espagne.
« Nous fonctionnons sur la base de la confiance, nous sommes dépendants de ce qu’on nous dit », a-t-il fulminé, soutenant que le policier avait manipulé le service que François Molins a dirigé de novembre 2011 à octobre 2018, avant d’être nommé procureur général près la Cour de cassation.
Le verdict a complètement contredit sa thèse. « Si le placement et la prolongation de la garde à vue de Sophiane Hambli apparaît procéduralement irrégulière, la cour a été convaincue que le commissaire n’avait pas agi avec une intention frauduleuse », a commenté le président Eric Chalbost en rendant la décision, vendredi 27 septembre. Selon la majorité des cinq juges professionnels de la cour criminelle, la mesure de garde à vue « a été prise et réalisée avec l’accord et sous le contrôle du parquet de Paris ». François Thierry a donc été acquitté, au terme d’une semaine de procès tout en jeux de dupes et rapports de pouvoir.
Opération « Myrmidon »
« Je n’ai aucun souvenir. Je n’aurais jamais donné de consignes sur une garde à vue fictive », soutient à la barre Véronique Degermann, à l’époque procureure adjointe de la République de Paris, cheffe de la division chargée de la criminalité organisée et du terrorisme. La magistrate parle beaucoup de son emploi du temps surchargé et de l’emplacement de son bureau « à l’étage du procureur ».
François Thierry était son interlocuteur permanent pour valider les opérations « Myrmidon », dispositif inédit de lutte antidrogue basé sur des livraisons surveillées. Qui contrôlait qui ? L’affaire interroge la place des informateurs, autant que le rapport entre police et justice, à travers leurs serviteurs respectifs. « Un lien amical ? », s’interroge le président. « C’était strictement professionnel… En fait, je ne l’ai jamais tutoyé, c’était une décision envisagée », répond Véronique Degerman, se tournant fréquemment vers le banc de l’accusé.
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