Le pape François a poursuivi la consolidation de son héritage en élevant au rang de cardinaux, samedi 7 décembre, vingt et un prélats des cinq continents, se tournant toujours plus vers le Sud.
Avec ce « consistoire ordinaire », le dixième depuis son élection en 2013, le jésuite argentin, qui aura 88 ans dans quelques jours, continue de façonner à son image le collège des cardinaux. Il a en effet choisi plus des trois quarts des 140 cardinaux « électeurs », ceux âgés de moins de 80 ans, qui prendront part au prochain conclave, lors duquel la majorité des deux tiers est requise pour élire un pontife.
La cérémonie a débuté dans l’après-midi, dans le cadre somptueux de la basilique Saint-Pierre de Rome, le jour même de la réouverture de Notre-Dame de Paris à laquelle le pape n’a pas assisté. La voix essoufflée, le souverain pontife est apparu avec un large hématome au bas du menton, recouvert d’un pansement. Selon des sources vaticanes, Jorge Bergoglio s’est cogné en tombant de son lit vendredi matin, mais le Vatican n’a pas communiqué officiellement sur le sujet.
Comme de coutume, les nouveaux « princes de l’Eglise » se sont agenouillés un par un devant lui pour recevoir leur barrette, une toque quadrangulaire dite de « pourpre cardinalice », et un anneau. « En avant ! », a glissé François en guise d’encouragement.
Seulement deux évêques originaires d’Afrique
Depuis son élection, le pape a mis en valeur des diocèses reculés dans ce qu’il nomme les « périphéries », parfois où les catholiques sont même minoritaires, s’affranchissant de l’usage visant à distinguer systématiquement certains archevêques de grands diocèses comme Milan ou Paris.
Cette nouvelle promotion n’est pas en reste avec, chez les électeurs, cinq évêques originaires d’Amérique latine (Equateur, Chili, Brésil, Pérou, Argentine), mais seulement deux d’Afrique (ceux d’Abidjan en Côte d’Ivoire et d’Alger en Algérie). L’Asie-Pacifique, région qui a connu la plus grande expansion lors de la dernière décennie, y est représentée par le Belge Dominique Joseph Mathieu, archevêque de Téhéran-Ispahan, l’archevêque de Tokyo ou encore l’évêque de la communauté ukrainienne de Melbourne (Australie).
« Jetant son regard sur vous, qui avez des histoires différentes, qui venez de cultures diverses et représentez la catholicité de l’Église, le Seigneur vous appelle à être des témoins de la fraternité, des artisans de la communion et des bâtisseurs de l’unité », leur a affirmé le pape dans son homélie.
Le nouveau collège « présente une diversité riche, géographique et sociologique », un signe « positif », mais « à condition qu’il y ait une collégialité renforcée », a estimé, dans un entretien à l’Agence France-Presse, Mgr Jean-Paul Vesco, 62 ans, archevêque d’Alger, parmi les promus.
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Le pape François, qui fustige régulièrement la « mondanité spirituelle » et tente de débarrasser les hautes sphères de l’Eglise du culte de l’apparence, a aussi mis en garde les cardinaux face au risque de se laisser « éblouir par l’attrait du prestige, de la séduction du pouvoir ».
Des nominations scrutées
Le choix des cardinaux revient exclusivement au chef de l’Eglise catholique, qui les sélectionne en fonction de critères de son choix et de ses priorités. Ils ont pour mission de l’assister dans le gouvernement central de l’Église. Certains vivent à Rome et ont des fonctions au sein de la Curie (le « gouvernement » du Vatican), mais la plupart exercent leur ministère dans leur diocèse d’origine.
La nomination des cardinaux est scrutée par les observateurs, qui y voient une indication sur la possible ligne du futur chef spirituel de l’Eglise catholique et de ses près de 1,4 milliard de fidèles revendiqués. D’autant que le pape a laissé la « porte ouverte » à une renonciation, à l’image de son prédécesseur Benoît XVI, si sa santé déclinante le justifiait.
Sensible à une Église de terrain et décentrée d’elle-même, Jorge Bergoglio cherche à promouvoir le clergé de pays en développement aux plus hauts rangs de l’institution. Mais l’élection d’un pape est toujours imprévisible et certains cardinaux nommés par François ne partagent pas toujours ses idées, voire prennent ouvertement position contre lui.
D’autres estiment que la grande diversité des cardinaux qui se connaissent mal et se voient peu poussera le prochain conclave à trouver un compromis avec une figure forte et équilibrée inspirant une confiance collective.