Face à l’imprévisible Trump, Tokyo et Séoul en quête d’une plus grande autonomie stratégique

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Le premier ministre japonais, Shigeru Ishiba, lors d’une conférence de presse après un appel avec Donald Trump, après son élection, au bureau du premier ministre à Tokyo, le 7 novembre 2024.

Les deux grands alliés des Etats-Unis dans le Pacifique ont réagi différemment au retour de Donald Trump à la Maison Blanche : flegme teinté d’appréhension au Japon, franche inquiétude à Séoul. Contrairement à la victoire du candidat républicain, en 2016, qui les avait pris de court, cette fois, les Japonais n’ont pas été vraiment surpris. « Avec une majorité dans les deux chambres et des alliés à la Cour suprême, Donald Trump suivra son instinct sans le moindre frein et le Japon doit s’y attendre », estime Tetsuo Kotani, membre de l’Institut des affaires internationales du Japon.

Tokyo s’était préparé à une victoire de Donald Trump en dépêchant, dès avril, à New York, Taro Aso, figure de la droite du Parti libéral-démocrate (PLD) pour s’entretenir avec le candidat républicain qui l’avait reçu. Mais le refus du président élu d’avoir un tête-à-tête avec le premier ministre, Shigeru Ishiba, qui, à la suite des récents sommets de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), à Lima, puis du G20, à Rio de Janeiro (Brésil), comptait se rendre à New York pour le rencontrer, pourrait indiquer, selon la presse japonaise, que M. Ishiba n’a pas les faveurs de M. Trump. En 2016, le premier ministre Shinzo Abe (2012-2020) avait été le premier dirigeant étranger à être reçu par Donald Trump une semaine après l’élection de ce dernier.

La rencontre avec M. Ishiba, minutieusement préparée par Tokyo, a été annulée sous le prétexte que le président élu n’aura aucun tête-à-tête avec un dirigeant étranger avant son investiture, prévue le 20 janvier 2025. Donald Trump semble ne pas avoir hésité à mettre M. Ishiba, affaibli par la défaite de son parti lors des élections du 27 octobre, dans une situation embarrassante par ce refus de dernière minute.

Les dirigeants sud-coréens, pour leur part, sont inquiets du retour au pouvoir de Donald Trump avec lequel ils n’ont jamais eu beaucoup d’affinités : un « deal », au-dessus de leur tête, avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un serait le prélude à des jours difficiles pour Séoul.

Frictions commerciales

La Corée du Sud et le Japon s’attendent à des frictions commerciales, comme le relèvement des tarifs douaniers afin de réduire le déficit commercial des Etats-Unis, et à des exigences d’augmentation de leur contribution à la présence des troupes américaines sur leur territoire (58 000 hommes au Japon et 27 000 en Corée du Sud). Séoul et Tokyo ont pris les devants en augmentant leur quote-part. Le Japon s’est en outre engagé à doubler son budget de défense (de 1 % à 2 % du PIB) au cours des cinq prochaines années. Bien qu’elle ait toujours été une alliée des plus fidèles des Etats-Unis, la Corée du Sud est considérée par le président élu comme un « fardeau » mais aussi… « une machine à fric » qui doit payer pour être défendue.

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