
L’heure est à l’accalmie entre la France et l’Algérie. Après six mois d’une crise d’une rare virulence, la visite à Alger du ministre français des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, dimanche 6 avril, a permis d’aller vers un apaisement. Les tensions croissantes qui avaient opposé les deux capitales sur une série de litiges – diplomatiques, migratoires, judiciaires – avaient pris un tour critique, voire dangereux, eu égard à l’imbrication des liens humains entre les deux sociétés.
Paris comme Alger s’engagent à déminer ces prochaines semaines les contentieux qui empoisonnent leur relation, au premier rang desquels figure le dossier explosif – ainsi que l’a rappelé fin février l’attaque au couteau de Mulhouse, dans le Haut-Rhin (un mort et six blessés) – des réadmissions en Algérie de ses ressortissants expulsés de France. Le sort de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison pour des propos tenus sur la frontière algéro-marocaine, devra également connaître la seule issue qu’il mérite : celle de sa libération.
Si chacun, à Paris comme à Alger, se félicite de la désescalade en cours, personne ne se grise d’illusions. Le processus ébauché est fragile. Le passé, y compris le plus récent, incite au scepticisme : les cycles sans fin de brouilles et de rabibochages qui scandent la relation bilatérale disent sa précarité. En l’occurrence, le seul fait que l’accalmie soit due à la reprise du contact entre les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, qui ne se parlaient plus depuis la reconnaissance, en juillet 2024, de la marocanité du Sahara occidental par la France, doit inquiéter plus que rassurer. Rien de durable ne se construit sur un simple lien personnel.
Appauvrissement des canaux de coopération
Au-delà des bonnes paroles, les deux capitales parviendront-elles à passer aux actes ? Il faudra pour cela surmonter un double obstacle. Le premier est une lecture divergente des règles juridiques encadrant les flux migratoires. La controverse autour des expulsions de ressortissants algériens en situation illégale aura montré l’extrême sensibilité du sujet. Faute de trouver un accord, la réédition d’un drame du type de celui qui s’est produit à Mulhouse enflammera à nouveau les passions. Dans le champ politique et médiatique français, les voix qui font profession d’instrumentaliser ce genre de tragédies ont été mises en sourdine par cette reprise de l’approche diplomatique, mais ne manqueront pas de relancer l’offensive si l’occasion se présente.

Le second écueil tient à l’appauvrissement progressif au fil des ans des canaux de coopération entre les deux pays. Du côté de l’appareil algérien, la défiance, voire l’hostilité vis-à-vis de la France, levier historique de légitimation du pouvoir, n’explique pas tout. L’affaiblissement de l’Etat, malgré son raidissement autoritaire, est un facteur de paralysie sur lequel butent bien des projets de coopération, y compris ceux émanant de pays réputés proches d’Alger, comme l’Italie ou la Chine.
Dans l’immédiat, toutefois, une embellie bienvenue se profile avec Paris. Elle devrait être confortée par l’isolement régional de l’Algérie, en crise ouverte avec ses voisins du Sahel – outre le Maroc –, et la perspective d’un retournement des prix du pétrole. Alger n’a pas les moyens de cumuler l’adversité sur tous les fronts. Il faudra toutefois davantage qu’un simple rapprochement d’opportunité pour inscrire dans la durée le dialogue tout juste esquissé.