
A Kirants, un village arménien de 350 habitants, l’école a une vue imprenable sur les montagnes et les vallées environnantes. Jusqu’à récemment, les agriculteurs faisaient paître leur bétail dans les champs alentour. Mais, depuis un peu plus d’un an, un nouvel élément leur bloque l’accès et obstrue partiellement l’horizon : un long mur de béton gris, venu couper le village de part en part.
Après des années de négociations, c’est ici, dans la région de Tavouch, dans le nord-est du pays, que l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont débuté, en avril 2024, le processus de démarcation de leur frontière – sous l’URSS, celle-ci était purement administrative. Le mur a été construit au pied de l’école. Depuis, des ballons atterrissent régulièrement en Azerbaïdjan.
La délimitation, effectuée à partir d’anciennes cartes soviétiques, est menée parallèlement aux pourparlers de paix, au cours desquels un accord a été annoncé en mars, mais dont la signature se fait encore attendre.
Une démarcation au goût amer
Le processus avance lentement : seulement 12,7 kilomètres ont été délimités entre les deux ex-républiques soviétiques, sur plus de 1 000 kilomètres de frontière. Quatre zones territoriales – largement dépeuplées – ont été rétrocédées à l’Azerbaïdjan, dont celles entourant Kirants.
Cette démarcation laisse un goût amer aux habitants du village. « Six familles ont perdu leur maison, et cinquante-huit parcelles de terre ont été données aux Azerbaïdjanais, explique Gohar Vardanyan, 28 ans, responsable communautaire à la mairie. Des paysans ont dû vendre leur bétail et tout abandonner. D’autres s’efforcent de continuer leur activité sur des parcelles plus petites. » La jeune femme assure ne pas être opposée au processus en soi, qu’elle juge « utile » pour parvenir à la paix, mais condamne la manière dont il est mené. « Je ne sais pas avec quelles cartes ils font ça exactement, dit-elle, mais finalement, cela bénéficie exclusivement à l’Azerbaïdjan, qui récupère des terres appartenant à l’Arménie, comme le prouve le cadastre. Or, pour faire la paix, il faut des décisions justes. »
Il vous reste 77.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.