L’horreur a saisi les Turcs à la découverte des détails de l’affaire du « gang des nouveau-nés », révélée mi-octobre dans le pays. Elle désigne un réseau actif dans une vingtaine d’hôpitaux publics et privés d’Istanbul et de Tekirdag, en Thrace, dans l’ouest du pays. Une quarantaine de soignants – médecins, infirmiers et brancardiers – sont accusés d’avoir organisé un trafic de nourrissons afin d’extorquer un maximum d’argent au système de sécurité sociale turc et aux familles. Au moins dix nourrissons auraient trouvé la mort lors de ces trafics. La médiatisation de l’affaire fait remonter de nouveaux cas et le bilan pourrait s’alourdir.
Avec la complicité des standardistes du service d’urgence du 112, les médecins impliqués présentaient de faux diagnostics aux familles en détresse pour justifier le transfert des nouveau-nés vers des unités néonatales d’hôpitaux privés. Le maintien des enfants en soins intensifs rapportait au réseau 8 000 livres turques par jour (soit environ 216 euros). Les premiers témoignages mettent en lumière des pratiques motivées par l’appât du gain, aux antipodes du serment d’Hippocrate.
« Après sa naissance, mon fils est resté dix jours en soins intensifs (…). Il est malheureusement décédé. Depuis, je me suis toujours demandé s’il y avait eu négligence. (…) Mon fils, que je croyais mort de causes naturelles depuis des années, a-t-il été victime d’un meurtre ? Qui apaisera ma douleur ? », s’est insurgée Burcu Gökdeniz, mère victime du gang, dans un message sur son compte X accompagné d’une photo d’elle, en larmes, un bébé violacé dans les bras.
L’existence de ce réseau avait été dénoncée aux autorités dans un message posté sur l’interface CIMER – site du gouvernement sur lequel les citoyens peuvent poser directement des questions ou dénoncer des faits répréhensibles –, le 27 mars 2023, et avait justifié le déclenchement d’une enquête. Le rapport de l’inspection du ministère de la santé fait état de 47 accusés, dont 22 ont été arrêtés. Dans l’acte d’accusation de 1 400 pages daté du 17 octobre, les principaux protagonistes de l’affaire – les médecins Firat Sari et Ilker Gönen –sont accusés d’« homicide volontaire par négligence », « délit d’initié », « création d’une organisation criminelle » et de « falsification de documents officiels ». Ils encourent jusqu’à 582 ans et neuf mois d’emprisonnement.
« Manque de contrôle »
L’ampleur du scandale a fait réagir des personnalités politiques de tous bords. « La première plainte a été déposée en mai 2023. Il ne s’est rien passé entre mai 2023 et octobre 2024. Le gang a eu accès à toutes les informations nécessaires pour menacer le procureur qui a mené l’enquête. Des assassins circulent librement parmi nous », a dénoncé Ozgür Ozel, président du Parti républicain du peuple (CHP), le principal mouvement d’opposition, critiquant le déroulé de la procédure. Il a également appelé le pouvoir à « nationaliser » les établissements hospitaliers impliqués dans cette affaire.
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