« En tuant Navalny, Poutine a rendu immortel son rêve d’une Russie libre et ouverte au monde »

4359


Le régime de Vladimir Poutine repose sur plusieurs bases fondamentales. Il faut citer ici la peur, la corruption, le revanchisme. Mais le soutien-clé de ce régime, c’est peut-être un cynisme toxique omniprésent.

Le cynisme se manifeste littéralement en tout. Dès le début du règne de Poutine, notre société a cyniquement échangé sa liberté et ses droits civiques contre la garantie d’une stabilité politique et d’une croissance de la consommation. Les élites ont cyniquement accepté de laisser à Poutine le monopole du pouvoir en échange d’un accès illimité aux ressources de l’Etat. Les propagandistes, les députés, les fonctionnaires se sont enrichis en Russie par leur rhétorique anti-occidentale, ne se privant pas d’acquérir cyniquement des biens immobiliers aux Etats-Unis et en Europe avec l’argent reçu du Kremlin.

Le cynisme est toujours resté pour Poutine un outil politique clé qu’il a défini avec le sourire railleur qu’on lui connaît par le dicton « qui paie pour la fille danse avec elle ». Il a tenté d’appliquer la même tactique à ses relations avec les hommes politiques occidentaux, en usant partout de combines à corruption et de mécanismes d’enrichissement personnel pour ses vis-à-vis européens, tout en essayant de partager avec eux les sphères d’influence dans le monde. Et il faut admettre qu’il a remporté un certain succès : on pourrait citer toute une série d’hommes politiques occidentaux dont la loyauté a pratiquement été achetée par le Kremlin.

L’imagination pour alliée

Alexeï Navalny représentait un danger pour Poutine, avant tout parce qu’il a proposé à la société russe une politique fondamentalement différente. Au lieu d’un cynisme vulgaire, il a témoigné à ses compatriotes d’un rêve idéaliste.

Lire le récit | Article réservé à nos abonnés A Moscou, Alexeï Navalny traité en ennemi jusque dans la tombe

Comme Martin Luther King, Navalny a fait de l’imagination son alliée et a rendu public son rêve d’une « Belle Russie du futur » [son slogan lors de l’élection présidentielle de 2018] ; d’un pays où tous sont égaux devant la loi, où il n’y a pas de place pour la corruption et les inégalités sociales ; d’un pays libre et ouvert au monde, d’un pays établissant des relations amicales avec ses voisins. D’un pays dont la valeur principale est l’être humain, sa vie et sa dignité.

Mais pour Navalny ce n’était pas simplement un rêve ; il croyait sincèrement qu’une telle Russie était possible. Et sa foi était si forte et si contagieuse que de plus en plus de gens se sont joints à son rêve et se sont mis à ses côtés pour travailler, consacrer leur temps personnel et œuvrer à faire que ce rêve devienne réalité.

Il vous reste 38.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link