Samedi 10 février. Pour le cinquième week-end consécutif, de nombreuses manifestations contre l’extrême droite sont annoncées un peu partout en Allemagne. Comme les semaines précédentes, celles-ci ne se limitent pas aux grosses métropoles, coutumières de tels rassemblements, mais concernent aussi des dizaines de petites villes, peu habituées à ce type de mobilisations.
Parmi elles : Gotha. Ce 10 février, plus d’un millier de personnes sont venues dire non à l’extrême droite dans cette coquette cité de 45 000 habitants, située à quasi-équidistance de Berlin et Francfort, au cœur du Land de Thuringe. Du jamais-vu. « Depuis près de trente ans que je vis ici, j’ai fait pas mal de manifs contre les fachos. Mais on n’a jamais été plus de 200 au maximum. Tant de monde, c’est totalement inédit, et je dois dire que ça fait plaisir de voir autant de nouvelles têtes », se félicite Andrea Skerhut, une pimpante sexagénaire coiffée d’un béret rouge et venue avec une banderole sur laquelle on peut lire : « Les droits de l’homme plutôt que des hommes de droite ».
« Les nazis pourraient diriger notre région »
Erika Menke fait partie de ces « nouvelles têtes ». Agée de 75 ans, cette petite dame souriante raconte que ses dernières manifestations « remontent à 1989-1990, à l’époque de la réunification ». Depuis, dit-elle, la politique l’a toujours « beaucoup intéressée », mais elle ne s’est « pas sentie obligée de descendre dans la rue pour [se] faire entendre ». C’est désormais le cas. « Pour la première fois cette année, les nazis pourraient diriger notre région. Cette idée m’est insupportable. C’est pourquoi je suis là aujourd’hui. La situation est trop grave pour qu’on puisse se permettre de rester chez soi les bras croisés », explique la retraitée.
Ce sentiment, tous le partagent. Jeunes ou vieux, habitués ou non de ce type de rassemblements, tous ceux qui sont venus manifester à Gotha ce samedi 10 février ont en tête les élections de septembre. Avec la Saxe et le Brandebourg, la Thuringe est l’un des trois Länder qui renouvellera son Parlement régional et, comme dans les deux autres, le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) y fait la course en tête, avec plus de 30 % des intentions de vote. Dans aucune autre région l’AfD n’atteint de tels niveaux. Et dans aucune autre, elle ne défend des positions aussi extrêmes. Dirigée par Björn Höcke, le leader de l’aile radicale du parti, la fédération thuringeoise de l’AfD a été placée sous surveillance par l’Office fédéral de protection de la Constitution, le service chargé du renseignement intérieur, et plusieurs de ses responsables sont connus pour leurs liens avec la mouvance néonazie.
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