En Syrie, la chute de Bachar Al-Assad, président par accident, modernisateur raté et despote sanguinaire

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Le président syrien, Bachar Al-Assad, le 26 juin 2001, à Paris.

Cruelle ironie de l’histoire : l’homme aux mains poissées de sang, qui s’est enfui dimanche 8 décembre, après avoir passé un quart de siècle aux commandes de la Syrie, après avoir brisé son peuple et broyé son pays, n’était pas destiné au pouvoir. Né en 1965, à Damas, le deuxième fils du président Hafez Al-Assad et de son épouse Anissa Makhlouf, Bachar Al-Assad devait être ophtalmologue. Après une enfance sans histoire, son diplôme de médecine en poche, le jeune homme, décrit à l’époque comme modeste et travailleur, était parti faire sa spécialité à Londres. La succession du père à la tête de l’Etat était réservée à l’aîné de la fratrie : Bassel. Tout le contraire de Bachar : un fort en gueule, fameux pour ses talents de cavalier et ses succès auprès des femmes.

Mais la mort de ce dernier dans un accident de voiture, en janvier 1994, change la donne. L’étudiant londonien, plus intéressé par les nouvelles technologies que par la politique, est brutalement rappelé au pays. L’héritier du « Lion de Damas » (assad en arabe signifie lion), parvenu au pouvoir par un coup d’Etat en 1970, ce sera lui. Après une formation militaire accélérée, qui le voit passer du grade de capitaine à colonel en trois ans, et après s’être fait la main au Liban, l’arrière-cour du régime syrien, le trentenaire est prêt pour succéder à son père, qui meurt le 10 juin 2000.

Un mois plus tard exactement, Bachar Al-Assad est désigné président de la République par référendum. Il explique aussitôt à la presse officielle qu’il n’est pas nécessaire de mettre sa photo à la une tous les jours. Il multiplie les apparitions en public, sans garde du corps, s’affiche dans les restaurants de la vieille ville avec sa jeune et charmante épouse, Asma Al-Akhras, une ancienne analyste financière, originaire d’une grande famille de Homs, qu’il a rencontrée sur les bords de la Tamise. Contrairement à son défunt père, autocrate au style glacial et compassé, célèbre pour discourir devant ses visiteurs pendant des heures, le jeune Assad cultive l’image du despote bienveillant, à l’écoute de ses concitoyens.

L’intelligentsia commence à y croire. Des centaines de prisonniers d’opinion sont libérés et des forums de discussion fleurissent un peu partout dans le pays. On y rêve, à voix haute, de démocratie et de société civile, de desserrer l’emprise du Baas, le parti unique, mixte de rengaines nationalistes arabes et de préceptes socialistes. Le bon « docteur Bachar » se pique aussi de moderniser l’appareil d’Etat et l’économie, exsangue après trente années de dirigisme à marche forcée. Il entreprend même de mettre au pas les services de renseignement, les redoutables moukhabarat, dont l’arbitraire fait frémir tous les Syriens. « Bachar Al-Assad est un jeune homme remarquable, qui a de grands projets d’ouverture », prédit le Britannique Patrick Seale, biographe officiel de Hafez Al-Assad.

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