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
« Ma décision irrévocable est de démissionner du poste de premier ministre », a déclaré le premier ministre serbe, Milos Vucevic, mardi 28 janvier, après des semaines de manifestations massives contre la corruption à la suite de l’effondrement mortel de l’auvent en béton de la gare de Novi Sad, le 1er novembre. La veille de l’annonce de cette démission, plusieurs milliers d’étudiants serbes avaient entamé le blocage pour vingt-quatre heures d’un important nœud routier de Belgrade.
« J’ai eu une longue réunion avec le président, ce matin [mardi]. Nous avons parlé de tout, et il a accepté mes arguments », a-t-il ajouté. « Afin d’éviter de nouvelles complications et de ne pas augmenter davantage les tensions dans la société, j’ai pris cette décision », a-t-il encore dit.
M. Vucecic est un ancien maire de Novi Sad (2012-2022), et c’est sous son mandat qu’avaient commencé les travaux de rénovation de la gare, achevés quelques mois à peine avant l’accident dans lequel 15 personnes sont mortes. Son successeur à la mairie de Novi Sad, Milan Duric, devrait lui aussi démissionner dans la journée, a affirmé M. Vucevic.
La veille, dans une allocution, le président serbe, le nationaliste Aleksandar Vucic, avait auguré d’un remaniement ministériel « de grande ampleur » et du remplacement de plus de la moitié de l’équipe gouvernementale.
Multiplication des grands chantiers
La Serbie est secouée par l’un des plus importants mouvements de contestation de ces dernières années depuis le drame de Novi Sad. Des manifestants ont défilé par dizaines de milliers à travers le pays. Ils voient dans la catastrophe une illustration de la corruption et de la négligence des autorités dans un pays qui a multiplié chantiers et grands projets sous la présidence d’Aleksandar Vucic, au pouvoir depuis 2012.
En réponse, le gouvernement a oscillé entre appels au dialogue et accusations d’ingérence étrangère, affirmant que les étudiants avaient été payés par des agents étrangers pour manifester. Mais les manifestations n’ont jamais cessé. S’y sont ajoutés depuis ces derniers jours des appels à la grève générale.
La tension est palpable à travers le pays, après que plusieurs manifestants ont été renversés par des automobilistes. Lundi soir, à Novi Sad une jeune femme a été blessée lors d’un affrontement entre des étudiants et des militants du parti nationaliste au pouvoir, le SNS. « Je lui souhaite un prompt rétablissement », a déclaré mardi matin le premier ministre démissionnaire, dénonçant « un acte inacceptable, qui mérite d’être condamné dans tous les sens du terme ». « J’attends que les coupables soient arrêtés », a-t-il dit.
Demande de transparence sur l’enquête
M. Vucevic a ajouté qu’il espérait que sa démission et celle, à venir, du maire de Novi Sad « conduisent à un apaisement des passions, à un retour au dialogue ». « J’appelle tout le monde à calmer les passions et à revenir au dialogue » a-t-il répété, un appel déjà lancé lundi soir lors d’une conférence de presse commune avec le président, Aleksandar Vucic. La veille, il avait déjà appelé doyens d’université, professeurs et étudiants « à venir discuter de tous les sujets mis en avant ».
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Parmi les revendications de la jeunesse figure la publication de tous les documents relatifs à la rénovation de la gare de Novi Sad, réalisée par des entreprises chinoise, hongroise et française. L’enquête sur l’accident de la gare est toujours en cours, et plus d’une dizaine de personnes ont été inculpées, dont l’ancien ministre des transports, Goran Vesic.
Les demandes estudiantines portent aussi sur l’arrestation des personnes soupçonnées d’avoir agressé des étudiants et des professeurs depuis le début des manifestations, l’abandon des poursuites contre les étudiants arrêtés, et une hausse de 20 % du budget de l’enseignement supérieur.
La démission de M. Vucevic pourrait entraîner la tenue d’élections législatives anticipées. Le Parlement serbe, qui doit valider sa démission, dispose de trente jours pour choisir un nouveau gouvernement ou convoquer ces élections.