« En Serbie, l’absence d’un projet politique alternatif clair menace d’absorber la mobilisation dans le néant »

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Depuis novembre 2024, la Serbie est secouée par une vague de contestation inédite. Des milliers d’étudiants ont envahi les rues de Belgrade, de Novi Sad et de Nis, rejoints par des habitants de localités plus petites – un phénomène sans précédent depuis la chute de Milosevic [en 2000]. Cette mobilisation prolonge une décennie de luttes : contre les fraudes électorales de 2017 et 2020, contre la gestion opaque de la pandémie de Covid-19 en 2021, et au nom de la résistance écologiste en 2022, qui avait temporairement mis en échec l’exploitation d’une mine de lithium par Rio Tinto.

Mais, cette fois, la contestation ne se limite plus à des revendications sectorielles. La dénonciation de la mainmise sur l’économie par le Parti progressiste serbe (SNS) et de ses liens avec les intérêts privés cristallise un mécontentement plus large. La corruption structurelle annihile les perspectives pour une jeunesse privée de mobilité sociale.

L’élément déclencheur de cette révolte a été l’effondrement tragique de l’auvent de la gare de Novi Sad, un drame qui a mis en lumière l’irresponsabilité du pouvoir et l’état de délabrement des infrastructures publiques. En réponse, la mobilisation a rapidement pris de l’ampleur, s’étendant au-delà des traditionnelles manifestations urbaines. Désormais, étudiants et travailleurs ne se contentent plus de protester : grèves et blocages économiques modifient la dynamique du rapport de force, introduisant une rupture avec les cycles de contestation précédents. Plutôt qu’une énième révolte éphémère, ce soulèvement semble amorcer une remise en question plus profonde du système en place.

Ambiguïtés diplomatiques

Les étudiants ne sont pas seuls. Rapidement, des enseignants, des travailleurs du secteur public et des cheminots ont rejoint leur cause. L’enjeu dépasse les universités : la hausse du coût de la vie, la privatisation des infrastructures, la corruption endémique alimentent une colère latente qui, aujourd’hui, s’exprime avec une intensité inédite. Loin d’être un soulèvement isolé, ce mouvement met en lumière la fermeture sociale extrême de la Serbie, où la mobilité est inexistante et où le SNS, fort de ses 700 000 membres, s’approprie les leviers de l’économie et de l’emploi.

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