En Italie, le passé trouble d’Alessandro Giuli, le nouveau ministre de la culture

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Alessandro Giuli, à Rome, le 2 octobre 2024.

Comment cesse-t-on d’être ­fasciste ? Alessandro Giuli, 49 ans, brillant journaliste et nouveau titulaire du portefeuille de la culture au sein du gouvernement Meloni, dit s’être « désintoxiqué » depuis longtemps de ce poison lent, bien avant que sa haute stature ne s’installe, le 6 septembre, au Palazzo del Collegio Romano. « Il faut en prendre acte. L’alternance a porté au pouvoir des familles culturelles nationales-conservatrices qui n’étaient pas assez représentées… Mais ma mission sera de les mettre en lumière sans renoncer au dialogue avec toutes les forces créatives de toutes les étiquettes politiques », promet-il.

Entre les murs démesurés du bureau ministériel, fume-cigarette nacré à la main, l’homme se définit comme « libertaire ». Le précédent occupant des lieux, Gennaro Sangiuliano, avait braqué le monde de la culture avec sa volonté de faire advenir une « hégémonie culturelle » de droite, tout en enchaînant des gaffes embarrassantes. Il a été contraint à la démission après un scandale impliquant sa maîtresse. Avec ironie, certains se plaisent à dire qu’il ne sera pas difficile de faire mieux que lui. Défenseur de la « concorde », Alessandro Giuli présente un profil bien singulier.

Ses complets, confectionnés par un fidèle ­tailleur sarde, et sa cravate coquettement ornée d’une pince argentée masquent un aigle romain tatoué sur sa poitrine. Ses mains manucurées aux bagues ornées de motifs antiques ont appris à frapper quand, dans les années 1990, les groupuscules d’extrême droite auxquels cet enfant de Rome appartenait affrontaient leurs opposants politiques dans les rues de la capitale. Certains adversaires de jeunesse ayant demandé l’anonymat le qualifient de « picchiatore », de cogneur.

Extrême droite romaine et radicale

S’il use aujourd’hui d’un vocabulaire châtié, piqué de termes rares et de citations, avec une extrême courtoisie, il a aussi hurlé avec les ultras de l’AS Roma dans les ­gradins du Stadio Olimpico. Alessandro Giuli s’inscrit dans l’histoire d’une extrême droite particulière, romaine et radicale, celle-là même qui a vu grandir politiquement Giorgia Meloni. Il relève du « monde minoritaire », selon l’­expression chère à cette militante professionnelle, un monde qu’elle a porté avec elle au pouvoir.

Lycéen puis jeune étudiant de philosophie, il se mesurait à cette violence tout en jetant les fondations d’une culture, à la fois classique et hétérodoxe, qui a plus tard fleuri à droite de l’espace public italien alors que sa jeunesse turbulente s’éloignait. Sans diplôme pour autant, il a décidé de conclure son parcours universitaire, à l’approche de la cinquantaine, pour obtenir l’équivalent d’une licence, quelques semaines après sa nomination au poste de ministre. Avant de fréquenter les palais de la République, Alessandro Giuli s’est toutefois imposé comme l’une des figures de la droite intellectuelle, au fil d’une carrière journalistique menée avec un certain éclat.

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