Calcutta vit, depuis plus de quarante jours, au rythme des manifestations et des rassemblements. Pas une journée ne se passe sans que des citoyens de tous âges et de tous horizons se donnent rendez-vous en différents endroits de la capitale du Bengale-Occidental. Docteurs, étudiants, retraités, artistes, fonctionnaires, femmes au foyer, vendeurs de thé…, tous exigent d’une seule et même voix que justice soit rendue. Le viol et le meurtre extrêmement brutal d’une interne de 31 ans, le 9 août, à l’hôpital public RG Kar de Calcutta, où elle exerçait, a plongé la ville dans un état de choc.
A l’entrée du complexe hospitalier, les internes en médecine ont installé un autel en hommage à leur consœur assassinée sur lequel trône, entourée de bougies et de fleurs de jasmin, Thémis, la déesse grecque de la justice, les yeux bandés. L’affaire dite « RG Kar » met une nouvelle fois en lumière les violences faites aux femmes, mais elle révèle aussi de graves manquements de la part des autorités hospitalières et de la police.
« Un mur de résistance »
Dès les premières heures qui ont suivi le drame, les collègues de la jeune femme ont dû se battre pour que l’enquête soit menée de manière transparente. « A la minute où nous avons appris ce qui s’était passé, nous nous sommes rendus sur les lieux du crime pour nous assurer que l’administration de l’hôpital rende des comptes et gère l’affaire correctement », raconte Anisha Basu, une interne de 24 ans. « Nous nous sommes heurtés à un mur de résistance », dénonce-t-elle. « Nous avons dû nous opposer à la police qui a voulu déplacer le corps en l’absence d’un magistrat », abonde sa consœur, Riya Bera. « De nombreuses personnes ont eu accès à la scène du crime, aucune sécurité n’était assurée ; dans la nuit du 14 au 15 août, alors que des manifestations étaient organisées, un groupe a fait irruption dans l’enceinte de l’hôpital et les lieux ont été vandalisés », poursuit Anisha Basu.
Les parents de la victime accusent l’hôpital d’avoir, dans un premier temps, voulu faire passer la mort de leur fille pour un suicide. « La police a insisté pour que l’on procède à la crémation de son corps, nous étions sous une telle pression que nous n’avons pas eu le temps de mener les rituels funéraires », regrette sa mère, alors que le couple souhaitait une contre-expertise du rapport d’autopsie, désormais impossible. « Toutes les preuves ont été falsifiées. Beaucoup d’actes criminels ont été commis pour masquer le meurtre de ma fille », estime la mère endeuillée.
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