En Géorgie, le pouvoir fait campagne « pour la paix »

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En ville, le long des routes, dans les villages, on ne voit qu’elles. Enormes, colorées, outrancières, les affiches de campagne de Rêve géorgien, le parti au pouvoir en Géorgie, écrasent visuellement celles des partis d’opposition, inexistantes ou presque, alors que les électeurs sont appelés aux urnes pour des élections législatives, samedi 26 octobre. Au pouvoir depuis douze ans, Rêve géorgien, dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, présente ce scrutin comme un choix existentiel entre la paix et la guerre.

L’une de ses affiches juxtapose les images en noir et blanc d’une Ukraine déchirée par la guerre et celles, en couleurs, d’une Géorgie prospère et pacifique. Un boulevard détruit, en Ukraine, est représenté à côté d’une avenue fraîchement rénovée de Tbilissi ou encore un stade de football ukrainien bombardé contraste avec l’un des nombreux stades construits dans le pays sous l’égide de Rêve géorgien. Sous les images représentant l’Ukraine figure la légende « Pas de guerre », et sous les images géorgiennes, « Choisissez la paix ». Le message est simple : l’opposition mènera fatalement le pays à la guerre avec la Russie, tandis que le parti au pouvoir se targue d’être le mieux placé pour apporter la paix et la prospérité.

Deux panneaux publicitaires en faveur du parti au pouvoir, Rêve géorgien. Sur le panneau de droite, l’image de gauche représente l’Ukraine déchirée par la guerre et celle de droite des infrastructures autoroutières neuves en Géorgie. A Gori, en Géorgie, le 24 octobre 2024.

Ces affiches ont choqué de nombreux citoyens géorgiens, l’intelligentsia surtout, estimant qu’elles reportent la faute de l’invasion russe sur les Ukrainiens. « Je n’ai jamais rien vu d’aussi honteux, d’aussi offensant pour notre culture, nos traditions, notre histoire et nos croyances », a écrit sur son compte Facebook la présidente de la République, Salomé Zourabichvili, ardente critique de Rêve géorgien.

Pourtant, dans les villages situés autour de Gori, à 70 kilomètres au nord de Tbilissi, la perception n’est pas tout à fait la même. « Je vais voter en faveur de la paix, bien sûr », explique Bondo, le boulanger du village de Karaleti, en mettant ses pains à cuire sur les parois du toné, le four en pierre traditionnel situé au beau milieu de son atelier-boutique. Va-t-il voter pour Rêve géorgien ? Il refuse de le dire explicitement. « Je suis apolitique, je fais du pain », insiste le quadragénaire svelte et énergique.

Des touristes chinois se prennent en photo devant une statue de Staline, au musée de Gori, sa ville de naissance. En Géorgie, le 24 octobre 2024.

Marina, sa vendeuse, votera elle aussi « pour la paix », sans en dire plus. « La politique ne nous intéresse pas, on ne décide de rien », dit-elle avec un large sourire. Le boulanger et sa vendeuse se souviennent trop bien de ce qu’il s’est passé il y a seize ans dans la région, décrite comme « le verger de la Géorgie », quand les chars russes ont débarqué. « Les chars russes étaient là, à touche-touche, dans la rue principale. Tout est allé très vite, on a dû fuir, seuls les vieux sont restés. Plusieurs maisons ont été pillées puis incendiées par la troupe. On ne veut pas que cela se reproduise », raconte Marina, encore sous le coup de l’émotion.

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