en Colombie, la lutte contre la déforestation à l’épreuve des maux du pays

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Une éleveuse de bétail qui a mis en place un système de rotation des pâturages pour élever du bétail sans déforester la jungle amazonienne dans le cadre d’un programme de l’Agence française de développement, travaille à San José del Guaviare, en Colombie, le 1er juin 2023.

Tout au bout de l’immense prairie, la forêt amazonienne dessine une ligne sombre. Quelques zébus broutent au loin. « Quand nous sommes arrivés il y a cinquante ans, il n’y avait que de la forêt, partout », se souvient Pablo Emilio Olarte, 74 ans, qui habite une maison de bois du hameau de Guacamayas, dans le département colombien du Guaviare. Les rares camions qui passent sur la piste soulèvent une poussière rouge. « Mon père et moi nous avons tout déboisé à la hache. Dix hectares par an pendant trente ans », poursuit Pablo Emilio. Il a élevé des vaches, puis planté de la coca, l’arbuste dont on tire la cocaïne, puis arraché ses plants de coca et acheté d’autres vaches. « Bref, j’ai fait comme tout le monde, résume le paysan. Mais nous avons finalement pris conscience du mal que nous avons fait et nous essayons de le réparer. » Pablo Emilio a fondé et préside aujourd’hui la petite association d’éleveurs agriculteurs écologiques de Guacamayas.

Plus de la moitié du territoire colombien (52 %) est encore aujourd’hui couverte de forêt naturelle, pour les deux tiers par la forêt amazonienne. Mais le pays qui, en 1990, date des premiers relevés, comptait 64,8 millions d’hectares de forêt en a perdu près de 6 millions. Avant 1990, les autorités poussaient les paysans pauvres à s’installer en Amazonie. « Et il y a encore quelques années, pour obtenir un prêt de la banque, il fallait montrer qu’on avait déboisé », se souvient Danilo Avila, éleveur lui aussi.

Pour le chercheur Javier Revelo-Rebolledo, de l’université du Rosaire à Bogota, « à la différence du Brésil où la déforestation est essentiellement le fait de gros opérateurs agro-industriels, exportateurs de soja ou de viande, en Colombie, elle résulte de l’action d’acteurs très divers, des petits paysans aux grands spéculateurs fonciers, en passant par les narcotrafiquants et les groupes armés ». « Le grand problème, ici en Colombie, c’est que l’Etat peine à contrôler son territoire », ajoute Marie-Gabrielle Piketty, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement et spécialiste de l’Amazonie.

Elevage dévastateur

A l’est de la cordillère des Andes, le Guaviare, qui s’étend sur 55 000 kilomètres carrés – le dixième de la superficie de la France –, en est un bon exemple. Le département, qui reste boisé à 85 %, a connu au tournant du siècle un phénoménal boom de la coca. Les épandages aériens de glyphosate à grande échelle et les programmes dits « de substitution » ont finalement déplacé les cultures illicites vers l’ouest du pays, sans en venir à bout. La Colombie reste le premier exportateur mondial de cocaïne. Selon le dernier rapport de l’agence de l’ONU contre la drogue et le crime, la production de poudre blanche y a explosé en 2023 pour atteindre plus de 2 600 tonnes, soit une augmentation de 53 % par rapport à 2022.

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