Il faut partir, intime Barakat Youssif Saïd. « Ils arrivent. » Un étrange véhicule, un buggy, vient de faire son apparition sur la route, dévalant la colline qui surplombe Burqa, un village palestinien au centre de la Cisjordanie occupée. Ses habitants redoutent une nouvelle attaque de colons israéliens dont plusieurs mobil-homes blancs se détachent sur les hauteurs. Il ne se passera finalement rien, ce vendredi 25 octobre, mais l’alerte témoigne de l’extrême tension qui règne dans ce bourg situé à quelques kilomètres à l’est de Ramallah, alors que la traditionnelle récolte des olives, essentielle pour les revenus des familles, bat son plein.
Colons israéliens et Palestiniens ont chacun reflué de part et d’autre d’une frontière informelle mais bien réelle : à l’est du village, au-delà de la dernière maison, la route est barrée par de grosses pierres et nul, ici, ne s’aventure plus à franchir cette limite. Le buggy conduit par un colon venait de là.
A Burqa, il y a peu, des colons armés de bâtons ont tenté une expédition avant d’être arrêtés in extremis dans leur progression par l’armée. « Nous sommes encerclés par les colons, ils viennent, ils volent et saccagent tout, pour nous obliger à partir », tempête Barakat Youssif Saïd. Le septuagénaire dit avoir déjà perdu plusieurs parcelles de champs d’oliviers au fil des années, mais, depuis le massacre du 7 octobre 2023, commis par des commandos du Hamas sur le territoire hébreu, et le début de la guerre à Gaza, la situation, affirme-t-il, ne cesse de s’aggraver. « En un an, nous avons documenté vingt attaques », approuve son fils, sur le seuil de la mosquée où le petit groupe s’est retrouvé.
Avant-postes illégaux de colons
« Avant la guerre, des colons avaient déjà brûlé des oliviers près de chez moi, assure un autre habitant, Ashraf Moussa Nawabit. Je suis allé voir les soldats [israéliens] qui sont censés nous protéger, mais ils m’ont répondu que ce n’était pas leurs affaires. On a aussi appelé les pompiers, mais l’armée ne les a pas laissés venir jusqu’ici. » Sur une arête de la colline, des arbres roussis sont bien visibles. Les trois colonies qui cernent Burqa, comme Kokhav Ya’akov, au sud, ne sont pas nouvelles, mais les avant-postes illégaux, ces implantations que même les lois israéliennes n’autorisent pas, s’étendent et accroissent la pression sur la population.
Déjà difficile en 2023, la récolte des olives, qui a officiellement commencé, cette année, le 15 octobre, sur tout le territoire selon les instructions de l’Autorité palestinienne, se présente, cette fois encore, sous les pires auspices. « La situation est compliquée avec le manque de pluie mais, surtout, parce que les colons deviennent de plus en plus violents. Certains sont armés, ils arrivent et nous disent de partir en laissant tout sur place, alors que c’est la terre de nos grands-parents ! », s’insurge Iyad Abu Gharqoud, 30 ans. Originaire de Gaza, installé depuis plus de quinze ans à Burqa, ce joueur professionnel de football, qui évoluait avant la guerre dans l’équipe nationale palestinienne, a entouré une petite parcelle d’oliviers de dérisoires palissades de bois. Accompagné de sa famille, il cueille à la main les fruits d’un arbre centenaire.
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