Les recherches du laboratoire d’Alejandro Nadra, biologiste, portent sur des bactéries permettant de révéler la présence de plomb ou encore d’arsenic, des éléments hautement toxiques. Depuis plusieurs mois, les essais de cet enseignant-chercheur à l’université de Buenos Aires (UBA), la plus grande université publique du pays, sont largement entravés, faute de budget. « Je suis très triste. La dernière fois que j’ai pu acheter le matériel nécessaire à mes recherches, c’était en novembre 2023 », rapporte le biologiste, soit un mois avant la prise de fonctions du président ultralibéral Javier Milei. A l’appel du Front syndical des universités nationales (regroupant les syndicats enseignants universitaires), le chercheur faisait grève, jeudi 10 octobre, « pour la défense du salaire [des enseignants] et du budget universitaire ».
Cette grève, qui a été reconduite jusqu’au jeudi 17 octobre, a été précédée par l’occupation d’universités par des étudiants opposés au définancement de leurs institutions. Un peu partout dans le pays, et en particulier dans celle de Buenos Aires, des milliers de jeunes se sont installés dans les locaux des facultés, déployant des banderoles, bien décidés à prolonger leur mouvement.
Cette mobilisation fait suite à l’approbation à la Chambre des députés, mercredi 9 octobre, d’un veto présidentiel s’opposant à une revalorisation des frais de fonctionnement des universités et des salaires des enseignants du supérieur. La revalorisation – une initiative parlementaire qui avait été approuvée par le Sénat le 13 septembre – était censée éponger les dégâts causés par l’inflation (209 % sur un an) et protéger les fonds des universités, face à la hausse des prix à venir.
Dans le style outrancier qui le caractérise, Javier Milei a taxé les partisans de la revalorisation du budget universitaire de « dégénérés fiscaux » risquant de mettre à mal son objectif d’excédent budgétaire – atteint en 2024 pour la première fois depuis plus de dix ans. Selon le gouvernement, cette discipline doit notamment permettre d’endiguer l’inflation, mal chronique argentin, ramené à 3,5 % pour le mois de septembre (le taux le plus bas depuis novembre 2021). « On ne peut pas dépenser plus que ce qui entre [dans les comptes publics] », a renchéri Carlos Torrandell, secrétaire de l’éducation de la République, arguant qu’il s’agit de « mieux gérer » les fonds.
Démissions d’enseignants
Les universités publiques font ainsi les frais du grand coup de tronçonneuse promis par Javier Milei pendant sa campagne présidentielle et appliqué dès son arrivée au pouvoir, en décembre 2023. En 2024, leur budget a dégringolé de 30 %, par rapport à celui de 2023, selon les calculs effectués par l’ONG Association civile pour l’égalité et la justice. Du jamais-vu depuis vingt ans. Quant aux enseignants, ils avaient perdu 23,7 % de leur pouvoir d’achat au mois d’août, par rapport au mois de novembre 2023, d’après des calculs du média Chequeado, croisant inflation et revalorisations salariales – en deçà de l’envolée des prix. Selon le Conseil universitaire national, 70 % des salaires des enseignants et des chercheurs sont au-dessous du seuil de pauvreté.
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