« Donald Trump montre le visage d’une droite américaine totalement désinhibée »

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Les visées de Donald Trump sur le Groenland surprennent. Pourtant, depuis les années 1980, les Etats-Unis ont envahi le Panama et le Honduras, l’Irak, l’Afghanistan, et largué des bombes sur une douzaine d’autres pays. Son antiféminisme choque. Pourtant, les héros virils sont omniprésents sur les écrans, et l’industrie du muscle a explosé. Son climatoscepticisme scandalise. Pourtant, il est banal chez les républicains.

Trump montre le visage d’une droite américaine totalement désinhibée. La violence du discours paraît nouvelle, mais elle ne fait qu’annuler un travail d’euphémisation mené depuis les années 2000. A cette époque, Frank Luntz est au sommet de son influence. C’est le principal spin doctor (« communicant ») du Parti républicain. Il teste auprès de panels d’électeurs des éléments de langage. Associe des idées, forge des expressions. Certaines sont restées collées dans nos cervelles. La death tax (« impôt sur la mort »), par exemple, pour parler des droits de succession. Ou alors le « changement climatique » moins anxiogène que le « réchauffement global ».

Luntz a inculqué à la droite américaine un nouveau langage. Au lieu de s’en prendre au « gouvernement » – les Américains apprécient les « local governements » (« municipalités »), qui s’occupent entre autres du ramassage scolaire –, il faut s’attaquer à « Washington ». Plutôt que de « privatiser » la santé ou le système scolaire, il faut « défendre la responsabilité » et la « liberté de choix ». « Personnaliser les retraites » sonne bien mieux que les privatiser, la « free market economy » (« l’économie de marché ») paraît plus sympathique que le « capitalisme ».

Images mentales

Dans un mémo de 2002 intitulé « The environment : A cleaner, safer, healthier America » (« Environnement : une Amérique plus propre, plus sûre et plus saine ») et d’autres écrits, Frank Luntz applique ses tactiques linguistiques à l’écologie. Sur ce terrain, les républicains sont vulnérables car proches des pétroliers. lls doivent policer leur langage. Par exemple, employer le terme « énergie » en lieu et place de « pétrole » et dire « compagnie énergétique » pour désigner Exxon et consorts. De même, éviter « drilling for oil » (« forer du pétrole ») qui évoque « une bouillasse noire et gluante », mais dire « energy exploration » (« exploration énergétique »), plus propre et plus technologique.

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